Congrès 2009: Anticipation (Worldcon 2009)
Le maillet cérémonial de la World Science Fiction Society (WSFS) n’est pas un objet particulièrement impressionnant. Je l’ai déjà tenu dans mes mains : il est en bois assez léger, ne dépasse pas de beaucoup les 15 centimètres et est doté d’une plaque de cuivre qui, effectivement, commence à corroder et montrer son âge. Mais l’importance de l’objet est symbolique : non seulement s’agit-il du maillet qu’emploie le président d’assemblée de la WSFS pour mener les réunions qui décident du futur de la World Science Convention (Worldcon), c’est aussi l’objet qui signifie la passation des pouvoirs d’une Worldcon à l’autre.
Lorsque René Walling, le co-président d’Anticipation, a présenté le maillet cérémonial de la WSFS à une représentante d’Aussiecon 4 vers 16h20 le lundi 10 août 2009, c’était la fin symbolique de cinq ans d’efforts par des centaines de personnes. Passé ce moment, le 76ieme congrès mondial de science-fiction devenait non pas un événement, mais un ensemble de souvenirs et de comptes à régler. Lorsque tout est fini sauf le ménage et la comptabilité, il est temps de rentrer chez-soi.
Alors que les centaines de congressistes quittaient la vaste salle aménagée pour les événements d’envergure d’Anticipation, je suis resté figé un moment : devais-je quitter moi aussi, ou tenter d’aller dire bonjours à quelques autres personnes et tenter de prolonger le moment?
Après tout, c’était la fin d’une demi-décennie d’aventures…
Un projet un peu fou
J’étais à la Worldcon Bostonienne Noreascon 4, en septembre 2004, quand toute la machine s’est mise à rouler. Je n’étais pas présent lorsque (selon la légende), Eugene Heller et René Walling auraient dit « Quelle bonne idée ce serait s’il y avait une Worldcon à Montréal! » (pour ensuite se faire lancer les $20 de ceux qui, eux aussi, pensait qu’il s’agissait d’une bonne idée). En revanche, il était difficile d’ignorer la notice du bulletin d’information « Triplanetary Gazette » du dimanche midi qui annonçait « Montreal in 2009 is less than a day old and already has almost $1000 in pre-supporting funds (…) They will be holding a party tonight.”
(Note historique : Ce n’était pas la première fois que l’idée avait été lancée, tel que le témoigne l’article « Montréal in 77 »)
À l’époque, demander aux membres de la WSFS de voter pour tenir une Worldcon à Montréal n’était pas une proposition évidente. Les frustrations du congrès mondial de 2003, à Toronto, avaient échaudé plus d’un fan… surtout qu’une bonne partie des accusations levées contre l’organisation étaient qu’en se fiant trop sur une équipe canadienne, les organisateurs de Torcon3 avaient ignorés l’expérience accumulée par les autres organisateurs prêts à aider. Bref : L’idée d’une Worldcon canadienne, même en ignorant les questions de douanes et de passeports, n’était pas au goût de tout le monde… De plus, (et contrairement à ce qui a tendance à se passer de nos jours), le congrès mondial de 2009 était également contesté par Kansas City : Il y aurait donc vote pour choisir entre les deux projets.
Mais qui dit vote dit campagne électorale, et donc l’essentiel des années 2004-2007 pour les organisateurs d’Anticipation s’est déroulée au fil de partys à d’autres congrès SF, à vanter les mérites de Montréal, à accumuler les pré-inscriptions (j’ai obtenu la mienne à Boréal 2004 –alors que ce congrès se tenait encore à l’automne, si-si), et à donner le goût de la viande fumée aux fans autour du monde.
Mon implication dans le comité d’Anticipation pendant cette période a été minime, mais inhabituelle. Quand j’ai demandé à René Walling comment je pouvais l’aider, il m’a demandé d’acheter de l’alcool à la SAQ et de l’amener à la Worldcon de Los Angeles (moi qui ne réside pas au Québec et qui ne boit pas), d’aider à préparer le party d’Anticipation (moi qui ne vais pas aux partys) d’agir comme bouncer pour s’assurer que seuls mes membres de L.A.Con entraient au party (moi qui est incapable d’intimider même des chatons) et vanter les mérites de Montréal (moi qui n’y réside même pas.)
Mais bon; si vous voulez entendre de véritables histoires de sacrifices personnels, faudra demander à René Walling —qui s’est tapé (à ses frais), près d’une douzaine de congrès par année pour mousser la candidature de Montréal.
Toujours est-il que le vote final a eu lieu à Yokohama en 2007. Les résultats furent clairement en faveur de Montréal.
Et c’est à ce moment que le véritable travail a commencé.
Entre le projet et l’événement
Je suis toujours resté un membre extrêmement mineur de la grande équipe d’Anticipation. Ne venez donc pas me voir pour savoir comment fonctionnaient les rouages de l’organisation, ou pourquoi telle ou telle chose a été décidée. Mais voici comment j’ai perçu la Worldcon de l’intérieur…
Mon premier portfolio a été celui de la co-programmation du courant « Littérature en Français » avec Jean-Louis Trudel. Vous connaissez sans doute la routine du programmateur : Convaincre des gens intéressant de venir au congrès, trouver des idées d’événements, assigner des participants, etc. Simple, n’est-ce pas?
Ah-ah-ah. Non.
De ma perspective, il est plus simple de programmer un congrès Boréal entier (48 heures, soixante participants, trois-ou-quatre courants de programmation simultané) que de co-programmer un seul courant de programmation pour une Worldcon. C’est un problème qualitativement différent, avec un ordre de magnitude de complexité supplémentaire. Il y a tellement d’intervenants que, même dans le meilleur des cas, les gens finissent par se piler sur les pieds et contredire leurs meilleures intentions. Le logiciel utilisé pour la programmation en était, je crois, à sa première étrenne dans le cadre d’une Worldcon, et –ayant été introduit au milieu du processus- a nécessité un réalignement des méthodes employées par la vaste équipe de programmation.
Ce qui explique le retard de la programmation, ce qui explique que les changements nécessaires à la grille aient été effectués après l’impression du programme, ce qui explique pourquoi certains panels n’avaient pas toujours des participants optimaux. Je ne suis pas exempt de tout blâme non plus; dans certains cas, j’assumais que j’aurais plus de temps pour régler certains problèmes, ce qui ne fut pas le cas.
D’autres particularités sont venu compliquer la tâche, et peuvent servir à expliquer pourquoi la programmation francophone d’Anticipation a connu des ratées : De un, les bons participants francophones sont souvent bilingues (vous savez de qui je parle : Jean-Louis Trudel, Élisabeth Vonarburg, Yves Meynard, Joël Champetier, etc.) et conséquemment en demande pour toute une panoplie d’événements en français et en anglais ce qui surcharge leur horaire et restreint les possibilités. De deux, nous n’étions pas responsable de deux décisions clés (celle de tenir des panels jusqu’à 22h-23h, et d’utiliser une grille de 60/90 minutes), ni de la mise à l’horaire des items. Conséquemment, certaines stratégies que nous avons déjà employés à Con*Cept pour parer à l’asymétrie linguistique et maximiser l’auditoire francophone (un seul événement francophone à la fois, aucun événement mis à l’horaire durant les heures du midi et après souper) n’étaient pas à notre portée. Finalement, il y a eu quelques fissures assez grandes entre les courants de programmation : Jean-Louis et moi étions spécifiquement responsables du courant « Litérature en français », mais nos suggestions pour des événements francophones sortant de ce cadre spécifique n’étaient effectivement que des suggestions à d’autres équipes travaillant sur d’autres courants.
L’essentiel du travail de programmation s’est déroulé entre janvier et début-juillet de cette année : les idées étaient évidentes (surtout que la programmation francophone était, à certains égard, une série « d’événements imposés » essentiels à une Worldcon bilingue), l’exécution moins évidente et les raffinements encore plus difficiles : Entre autres incidents cocasses, Jean-Louis et moi nous sommes retrouvés à travailler in-extremis sur le programme dans un couloir d’hôtel. Dans un autre pays. Entre 23h et 1h du matin.
Mon deuxième portfolio était celui de « liaison avec l’invitée d’honneur » pour Élisabeth Vonarburg, un poste étrange qui consiste à agit comme interface entre le comité et l’invitée. Le système, développé au fil des Worldcons pour limiter les intervenants, est simple : personne au comité ne communique directement avec l’invitée sauf la liaison, et l’invitée ne communique pas directement avec le comité, sauf la liaison. C’est un poste qui demande une compréhension des besoins du congrès et de l’invité, ce qui implique souvent jouer le heavy (ou, tout au moins, l’interlocuteur sympathique) pour un ou l’autre. Les demandes sont variés (l’invitée veut-elle faire ceci ou cela? Être présente à telle endroit? Résider à quel hôtel? Voyager comment?) et les défis à relever tout autant : réserver des billets d’avion, assembler un horaire, dire NON à l’équipe de la programmation. La dernière semaine a impliqué des discussions au sujet de corsages au poignet, des équipes d’assassins et de téléchargements illégaux —j’exagère à peine. L’essentiel de ce travail s’est déroulé plus tard que celui de la programmation, c’est-à-dire vers juin-août. La complication supplémentaire pour Élisabeth était de coordonner un horaire qui n’impliquait pas seulement Worldcon, mais Boréal, Alire, les entrevues assignées par le bureau de presse, et les autres activités à son programme lors de son passage à Montréal. Ouf!
Finalement, la troisième mention de mon nom dans l’équipe d’Anticipation était celui de liaison pour le Prix Boréal, un poste essentiellement cérémonial (agir comme interlocuteur avec le directeur des événements à Anticipation) jusqu’à ce que je me rende compte qu’il fallait coordonner la présélection et la conception des bulletins de vote du Prix Boréal. (Un travail qui m’a entre autre permis de voir qui tentait de manipuler la présélection, mais un examen de cette psychopathologie particulière devra attendre un autre billet.) Ceci, en fait, n’a pas demandé beaucoup de temps (et s’est déroulé presqu’entièrement en juillet-août), mais heureusement que je pouvais compter sur les informations fournies par Claude Janelle, sur les services de webmestre de Mehdi Bouhalassa, et sur le travail-sur-place des organisateurs de Boréal. Mon dernier acte en tant que liaison a été l’écriture d’un script bilingue pour la remise des prix, un script rendu complètement inutile par la réalisation qu’il n’y avait pas d’anglophone unilingue dans la salle. Hé bon…
Description d’un congrès
Anticipation, ma cinquième Worldcon, a été une expérience unique.
Je me suis rendu compte la journée avant le congrès que j’approchais Anticipation non pas comme une Worldcon (où j’y vais habituellement comme fan, avec quelques panels et peu de soucis à mon horaire) mais comme un Boréal (où je suis personnellement investi dans le succès de l’événement et ai un horaire avec une vingtaine d’items où je suis au programme.) La seule façon de passer à travers l’événement, ais-je réalisé, était d’y aller comme pur panéliste : J’allais me présenter aux événements où j’étais à l’horaire, et n’allais pas faire d’effort pour assister au reste du congrès comme fan.
Cette approche a eu deux résultats profonds sur mon expérience du congrès : De un, je n’ai assisté à aucune table ronde comme simple membre de l’audience. (La conversation Stross/Krugman était la seule exception, bien qu’il s’agissait d’un événement plusque d’une table ronde.) De deux, Anticipation est devenu un congrès qui s’est surtout déroulé dans les corridors, au fil des rencontres accidentelles.
Pour moi, Anticipation restera le congrès où je pouvais rencontrer au même endroit des connaissances de congrès américains, canadiens-anglais et canadiens-français. Je doute que personne n’aie autant apprécié cet aspect de la Worldcon montréalaise (bien que Jean-Louis Trudel, en conversation, a ajouté qu’il était également en mesure d’ajouter « congrès français » à cette collision de contextes) et c’est une des raisons pour lesquelles aucune autre Worldcon n’égalera jamais Anticipation à cet égard.
Ailleurs au congrès, ce fut un carnaval d’engagements, de dossiers à régler à l’impromptu (ie; se faire demander en pleine rue par le président du congrès d’aller régler un problème relié au séjour de l’invitée d’honneur et ce quinze minutes avant une table ronde), de conversations accidentelles, de promesses à remplir, d’événements interminables, d’horaires serrés, et ainsi de suite. Pendant tout Anticipation, j’ai été partagé entre la hâte que tout cela se termine, et la déprime que ce sommet fanique allait inévitablement en arriver à sa fin.
Pour vous donner une idée de l’éclectisme de mon congrès, voici un survol de quelques événements à mon horaire : (N’hésitez pas à aller directement à la prochaine section si cela vous ennuie)
- Jeudi, 17h : C’est votre première Worldcon, non? Modération de facto d’un panel d’introduction aux Worldcons. Ceci reste un de mes bons souvenirs du congrès : mes co-panélistes (Joël Champetier et Benoit Girard) étaient en forme, notre audience posait de bonnes questions, et j’y ai rencontré quelques personnes que j’allais revoir à quelques reprises plus tard durant le congrès —y compris la charmante Sybiline, qui allait trouver réponse à ses doutes au sujet de la Worldcon en remportant non seulement un prix Best in Show à la galerie d’Anticipation, mais aussi un Prix Boréal.
- Jeudi, 19h : Réception Alire (Vieux-Port) : J’avais beau être contrarié que mon horaire serré ne permette pas de passer plus que trente minute à la rencontre annuelle des artisans associés à la maison d’édition Alire, ce fut un excellent trente minutes.
- Vendredi, 17h : « Private Passions : Writing » : Tenue d’une entrevue au sujet de l’écriture avec Élisabeth Vonarburg. Audience restreinte, mais attentive : Les questions que je pose laissent à Élisabeth le loisir de parler de choses qui lui tiennent à cœur, et l’heure passe assez rapidement.
- Vendredi, 18h : Banquet de remise des Prix Auroras: Mes sentiments au sujet des Prix Auroras sont complexes (n’en disons pas plus), et la cérémonie elle-même est loin d’être parfaite, mais la compagnie autour de la table n’aurait pas pu être meilleure.
- Vendredi, 20h : Retrouvailles des APAQuistes: J’avais glissé cet item à l’horaire en espérant une rencontre entre les anciens membres de l’APAQ et c’est exactement ce que j’ai vécu, en mieux : Une heure de pure nostalgie, avec des gens qui se connaissaient tous mais ne s’étaient jamais tous rencontrés en personne. Événement sans doute indéchiffrable à eux qui ne faisaient pas partie de l’APAQ, mais inoubliable pour ceux qui y étaient. Même le fondateur de l’APAQ, Benoît Girard, était étonné de parler de sa création plus de quinze ans plus tard à une Worldcon montréalaise.
- Vendredi, 21h : Quebec Genre Cinema : Here’s what you’re missing. Modération d’un panel “Anglophone” au sujet du cinéma SF&F au Québec. Cependant, les deux seuls anglophones sur place étaient bilingues : nous avons donc quitté notre perchoir de panélistes, formé un cercle restreint de chaises, fait un survol rapide de la situation en français et avons mis fin au panel après 35-40 minutes. Si l’événement témoigne du manque de sagesse à programmer des événements après le souper, la discussion n’était pas déplaisante : le mérite revient à mes co-panélistes Hugues Morin et Joël Champetier.
- Samedi, 9h15 : Cérémonie d’ouverture, Boréal 2009. Présence au début du congrès Boréal. Quelques achats. Réalisation surprenante qu’il y avait 50 personnes sur place à 10h. Départ avec le sentiment que tout va bien rouler pour Boréal cette année.
- Samedi, 11h : What are the French Books We Should be Reading? J’étais le remplacement dernière-minute d’Élisabeth comme modérateur de cet événement. (Précisons : je me suis offert comme modérateur pour équilibrer les choses lorsqu’Élisabeth s’est rendu compte d’un conflit d’horaire.) Ma présence n’était pas inutile : Un des participants (un universitaire capable de tout ramener à une seule anecdote hors-genre) n’était pas à sa place, et si l’extraordinaire Jean-Claude Dunyach aurait pu mener cette table-ronde à lui seul, j’ai quand même réussi à fournir un peu de contexte et de contenu canadien-français à l’audience relativement nombreuse (~30) venue assister à l’événement. J’ai fait quelques recommandations et une source m’a ensuite dit que plusieurs livres cités s’étaient vraiment bien vendus le samedi après-midi : je ne crois pas vraiment au lien entre ces deux faits, mais la possibilité qu’il y en ait un me contente.
- Samedi, 21h : Après un après-midi éparpillé entre deux congrès et un peu de magasinage sur la rue Sainte-Catherine, je termine ma journée à Boréal en animant ma traditionnelle « Discussion par la bande-annonce ». L’événement est bien accueilli, mais un examen maniaque des blogues parlant de Boréal m’indique qu’au moins une personne a pensé que l’événement a tiré en longueur, ce qui rejoint mes propres impressions : certains clips moins intéressants n’auraient pas dû être joués, et j’ai nettement manqué de temps vers la fin. La prochaine fois, je m’en tiendrai à 90 minutes plutôt que 120.
- Dimanche, 12h30 : Assemblée générale Canvention: Si vous pensez qu’une assemblée générale Boréal d’une heure, c’est ennuyeux, imaginez en présider une de deux heures au sujet des Prix Auroras. Les détails au sujet de comment je me suis retrouvé dans cette situation ne sont pas importants (« obligation de redonner à la communauté » est une bonne première approximation), tout comme ma relative ignorance des règles d’assemblé, mais peu importe : Je suis aux premières loges alors que le comité décide d’explorer l’idée de confier l’administration des Prix Auroras francophones au comité de gestion des Prix Boréal. (On en reparlera.)
- Dimanche, 15h30 : Greatest Fanzine Other than Mine: Le hic avec une réputation grandissante comme modérateur adéquat (la modestie n’est pas mon fort aujourd’hui), c’est que l’on est parfois nominé à faire de la modération-sur-commande. Dans ce cas-ci, c’est Murray Moore qui a eu l’idée de me désigner modérateur impartial dans un débat entre fanéditeurs pour trouver le meilleur fanzine présentement actif. Ma connaissance du milieu des fanzines est superficielle, mais je n’ai heureusement pas à me casser la tête : mes extraordinaires co-panélistes Christopher J. Garcia, Guy H. Lillian III et Steven H Silver se connaissent bien et n’ont aucune difficulté à traiter du sujet pendant une solide heure. Sachant tout cela, ma seule contribution est de poser la question initiale et (cinquante minutes plus tard), de mettre fin au panel. Entre-temps, j’assiste de près à une bonne discussion amusante sur le sujet. Parfois, être modérateur, c’est de savoir quand rester sage.
- Dimanche, 16h30 : Remise des Prix Boréal et Assemblée Générale SFSF Boréal Inc. : Que dire d’autre qu’une brève mention de l’excellence des gens récompensés par les Prix Boréals de cette année, et du bon succès de Boréal 2009? Ah oui; une autre assemblée générale. L’an prochain : Québec.
- Dimanche, 19h : Thirty Years of Boréal Awards: Cette table-ronde Anglophone sur l’histoire des Prix Boréal est sabordée après cinq minutes quand nous ne sommes que quatre à se présenter à un événement mis à l’horaire entre le souper et la remise des Hugos. Ne pleurez pas pour nous : L’annulation de cette table-ronde nous permet de parler un peu et de trouver de bons sièges.
- Dimanche, 20h : Remise des Prix Hugos : Laissons de côté les résultats (parfois extrêmement surprenants) des Prix : J’étais assis avec une belle brochette d’amis, et c’est ce qui compte.
- Lundi, 10h : Pourquoi ne s’amuse-t-on jamais en lisant de la SF en français? J’étais en théorie le modérateur de cet événement, mais mon entêtement à résoudre Une Situation pour mon invitée d’honneur fait en sorte que je suis arrivé en retard (et déboussolé) à la table-ronde en question. Heureusement, Alain Ducharme menait déjà la discussion de main de maître et l’heure qui suit réussi quelque chose de rare : faire changer d’avis quelques participants. Je pense même que nous avons réussi à dire quelque chose d’intéressant au sujet de la comparaison entre les marchés francophones et anglophones de la SF&F. (Brièvement : le marché francophone n’impose pas autant de direction commerciale à ses auteurs.) Un bravo aux co-panélistes Benoît Girard et Alamo St-Jean pour avoir tenu leur bout de la discussion.
Je laisse de côté quantité de repas phénoménaux (autant pour la compagnie que pour la nourriture, si pas toujours le service), de conversations avec des gens que j’apprécie énormément (sans les nommer, de peur d’oublier quelqu’un), de passages à travers la salle de vente, de complications rocambolesques et d’images étonnantes. Suffit de dire que je ne me suis jamais ennuyé une seconde, même lorsque je n’avais rien à faire.
À l’heure des bilans
Une fois le maillet cérémonial de la WSFS en route vers l’Australie, que reste-t-il d’Anticipation?
Si rien d’autre, un soupir de soulagement. Non seulement s’agit-il de la fin d’une longue odyssée pour plusieurs personnes, c’est également un succès d’estime pour un fandom canadien amoché par les mauvais souvenirs de Torcon3.
Non pas qu’Anticipation fut un sans-faute —loin de là! De l’intérieur, toutes les Worldcons ont l’allure de l’apocalypse et celle-ci ne fit pas exception. Peu importe qui vous êtes, Anticipation a connu sa part de problèmes. Corrections interminables à l’horaire « bouclé » quatre semaines plus tôt; « Green Room » inutile; hôtel hostile; manque de masse critique; salle de vente et galerie inférieures au standard américain; intégration boiteuse du fait français; tables-rondes mal menées; manque de discipline des modérateurs; panels mis trop tard à l’horaire; et ainsi de suite… Chaque Worldcon a ses problèmes, et Anticipation en a eu autant que les autres, si pas un peu plus.
Mais en même temps, les commentaires que je ne cesse de lire ici et là sur Twitter, puis sur les blogues (et il y en a tellement, qu’il serait possible de passer autant de temps à lire sur Anticipation qu’à y avoir été) semblent s’accorder sur l’idée qu’Anticipation a été une bonne, peut-être même une très bonne Worldcon. La clé du succès, tel que je l’avais prédit à certains avant le congrès, est qu’Anticipation n’avait qu’à présenter un congrès acceptable : l’environnement montréalais allait faire le reste. Alors que je vois de multiples commentaires élogieux sur Montréal et –surtout!– la nourriture qu’on a pu y trouver, mon intuition semble se confirmer : Pour les anglophones, le coté accessiblement exotique de Montréal a comblé une bonne partie des accrocs de passage au niveau de l’organisation. Ça ne sera vraiment pas difficile d’attirer des anglophones aux Boréals montréalais à partir de 2011.
Le fandom canadien peux donc commencer à exorciser les mauvais souvenirs de Torcon3 : Anticipation a agi comme examen de reprise réussi, peut-être pas exceptionnel mais certainement suffisant pour mériter une note de passage incontestable. Financièrement, mes sources m’indiquent que le bilan sera positif, ce qui n’était pas assuré étant donné le contexte économique.
Un peu plus près de nos intérêts francophones, le bilan est à peu près également mitigé-mais-positif : Si nous ne sommes pas tous contents de la façon dont le français a été traduit, prononcé ou intégré (durant les événements majeurs, il aurait été préférable de lire le scénario en français, puis le scénario en anglais, pour finir sur les applaudissements de la majorité), le fait demeure qu’Anticipation a été un événement où le français était vraiment présent. Oui, les tables-rondes francophones ont parfois été peu fréquentées, mais constatons tout de même l’asymétrie de base d’un fandom francophone majoritairement bilingue qui a le choix entre des panels en français et des événements avec Gaiman, Scalzi, Martin, Silverberg…
Certains des moments d’Anticipation dont je suis le plus fier, en fait, sont ceux où des amis assistant à une première Worldcon venaient raconter telle ou telle expérience nouvelle pour eux. J’ai rencontré Robert Silverberg en 2003 et si pour moi l’expérience n’est plus aussi neuve, c’était attendrissant de voir d’autres gens en faire la première expérience à Montréal. Les codes sociaux des habitués aux congrès américains en ont étonné plus d’un, mais les fans francophones qui étaient prêts à jouer le jeu d’une Worldcon ne semblent pas en avoir regretté l’expérience… et c’est pour eux que l’événement était organisé.
Nul bilan ne serait complet sans une reconnaissance de l’extraordinaire défi relevé par les organisateurs de Boréal 2009. S’il n’était pas évident de tenir un congrès francophone distinct en même temps qu’Anticipation (je ne compte plus les conversations des six derniers mois où je tentais de convaincre mes interlocuteurs que ça allait bien fonctionner), le résultat final a convaincu même les plus sceptiques : Une audience de 60-70 boréaliens, ce n’est plus un « mini »-Boréal. Mieux encore : l’essentiel des participants étaient nouveaux, jeunes et intéressés. Reste à entretenir ce bon rythme. Malgré la promesse de Boréal 2010 à Québec, je ne peux m’empêcher de demander… à quand le prochain Boréal montréalais? Comment faire pour s’assurer que toutes les facettes de la SFQ y seront intégrées harmonieusement?
En ce qui me concerne, Anticipation est un sommet fanique personnel qui ne sera pas égalé. La tenue simultanée de tant d’événements en même temps m’a engagé sur presque toutes les facettes de mon implication fanique, et ce n’est pas de sitôt qu’une Worldcon reviendra au Canada, encore moins à Montréal. (Mon intuition me suggère que la prochaine Worldcon canadienne aura lieu entre 2015-2020 à Calgary sinon Vancouver.) Après Anticipation, sérieusement, que reste-t-il à faire? Depuis le passage du maillet cérémonial, je n’ai plus aucun engagement organisationnel fanique à mon horaire et en suis assez satisfait. Je serai probablement à Melbourne et Reno pour les prochaines Worldcons (tourisme, tourisme!) et mes plans pour 2010 comprennent une mini-épopée dans des congrès anglais, mais au niveau organisationnel, j’ai clairement atteint un plateau.
Ce n’est pas une mauvaise chose. Peut-être est-il temps de passer à d’autres hobbys. Oh, vous pouvez vous rassurer : Je ne planifie pas quitter pas la SF, le fandom ou (honni en soit la pensée!) Fractale Framboise. En fait, je pense même être en mesure de contribuer ici un peu plus fréquemment maintenant que je n’ai pas autant de demandes sur mon temps. Mais il y a d’autres choses à faire dans ce vaste monde que l’organisation fanique, et je compte profiter de l’inévitable ressac post-Worldcon pour explorer ces avenues.
Et finalement…
Je ne suis pas resté longtemps à trainer dans la salle où s’était tenue les cérémonies de clôture d’Anticipation. Alors que les congressistes quittaient les lieux pour retourner plus ou moins rapidement chez-eux, je me suis rappelé que peu importe la qualité irréelle des cinq jours précédents, il était temps de revenir dans le monde normal, de faire le ménage dans mes courriels, et de passer à autre chose. Ma maison, mon jardin, mes propres projets attendaient… et ma dette de sommeil serait tout aussi étonnante que la facture de l’hôtel Delta où je résidais.
Mais Anticipation avaient une dernière surprise pour moi : Sur mon départ, en discussion passagère avec Jo Walton (à qui je n’avais pas eu le temps de parler plus tôt durant le congrès), voilà que Charles Stross s’est assis à côté de nous pour discuter de tout et rien!
C’est à des moments de ce type que je me suis attardé vingt-quatre heures plus tard, lorsque je me suis retrouvé après une journée de travail inconfortablement debout dans l’autobus du retour à la maison, à pester silencieusement contre les autres banlieusards qui avaient tout oublié du bon comportement dans un autobus. Car moi aussi, pendant cinq jours, j’avais eu le luxe d’échapper un peu au réel.