Bibliophilie (2005-2009)
Collection de billets publiès sur Fractale Framboise au sujet de livres et de bibliophilie entre 2005 et 2009.
Soyez un ami des libraires indépendants
Malgré l’image trafiquée ci haut, j’ai généralement une bonne opinion de la méga-chaîne Chapters/Indigo/SmithBooks/Prospero/Coles: Si vous voulez un livre récent et le voulez maintenant, la plupart des métropoles canadiennes ont un Chapters/Indigo pas trop loin. Presque par définition, cette chaîne de magasin occupe la niche d’un Wal-Mart littéraire: Beaucoup de stock, plusieurs aubaines et la “marque” de la compagnie est tellement répandue qu’elle est devenue synonyme d’achat de livres au Canada.
De dire que la chaîne Chapters/Indigo est là où les Canadiens vont acheter leurs livres n’est même pas une exagération: Grâce aux fusions (pas toutes volontaires) entre 1994 et 2001, une seule entité commerciale contrôle l’essentiel du marché des librairies au Canada anglais. (Le Québec, grâce à des facteurs évidents, est une exception, si bien qu’Archambault et Renaud-Bray se divisent également le gâteau) Ceci est un problème, peu importe le sourire que j’ai sur mon visage dès que j’entre dans un endroit qui stocke plus de 50,000 livres.
C’est un problème pour les mêmes raisons que toutes les monocultures sont un problème: Tous les œufs se trouvent dans le même panier. Notre glorieux système économique contemporain prends comme acquis que chaque marché bénéficie d’une saine compétition, mais ce n’est pas le cas pour les livres: Chapters/Indigo est la seule chaîne avec une présence d’une côte à l’autre. 230 magasins, 6,700 employés et $616M de profit.
Mais, surtout, l’absence d’un compétiteur. Si Chapters décide de ne pas stocker les titres d’un éditeur, tant pis. Si Chapters décide de ne pas payer ses fournisseurs à temps, tant pis. Si Chapters décide de réduire le nombre de livres disponibles dans ses magasins, tant pis. Grâce à leur pouvoir d’achat colossal, Chapters/Indigo peut dicter les termes de toute entente avec les éditeurs canadiens, peut vendre à perte et ainsi terrasser des librairies indépendantes au financement moins solide et peut bannir certains livres quand il ne s’agit pas de magazines. (Pour ne rien dire de l’opinion de leurs propres employés, ici et là et là-bas) En tant que cochon de consommateur, il ne reste plus grand choix. (En vérité, le seul grand compétiteur à donner du fil à retordre au monstre Chapters/Indigo, c’est amazon.ca.)
Mais comme dans Astérix, ce n’est pas toute la Gaule qui est occupée par les Romains. Un petit village d’irréductibles résiste vaillamment à l’invasion: les libraires indépendants. Puisque Allie a classé Fractale Framboise dans sa liste de liens “…à tendance littéraire ou dont l’auteur aime les livres et en parle”, pourquoi ne pas passer quelque lignes à parler de nos librairies préférées?
Je me confesse: Je lis régulièrement l’Ottawa Business Journal, ce fier bastion capitaliste au milieu d’une ville menée par des dollars communautaires. (Les semaines paires, l’OBJ se plaint que le gouvernement gaspille “leur” argent. Les semaines impaires, l’hebdomadaire demande des plus grands investissements de fonds public.) Quelle ne fut pas ma surprise, la semaine dernière, d’y voir un petit topo triomphaliste sur le succès des trois librairies indépendantes les plus connues de la région, soit Leishman Books, Perfect Books (un de mes havres favoris) et Prime Crime Books.
They’re throwbacks to an earlier era; independent booksellers thumbing their noses at the Goliaths and their massive chain stores. In general, they’re doing just fine, thank you very much. They may not be winning the fight, but neither are most of them losing thanks to some common sense and hard work.
Essentiellement, l’histoire va comme ceci: Après la panique causée par l’ouverture de cinq magasins Chapters à travers Ottawa vers 1997-2002, certaines librairies ont fermé leurs portes et d’autres ont consolidé leurs opérations. Le service est passé au premier plan, tout comme l’emphase sur une bonne sélection de livres. Pourquoi tolérer le mauvais service impersonnel d’un grand magasin quand on peut aller à un endroit où le propriétaire apprend à nous reconnaître? Quelques années plus tard, les libraires indépendants les plus astucieux se retrouvent avec une clientèle fidèle et rivalisent assez bien avec les méga-magasins Chapters. Hurrah for the little guy!
Dans mon cas, je suis resté fidèle à la librairie spécialisée Basilisk Dreams Books jusqu’à sa fermeture. Depuis, ma recherche pour une alternative m’a amenée à Perfect Books. Pour un petit magasin, leur sélection SF&F est d’une qualité exemplaire: Pas de livres de séries médias, peu de mauvaise SF et une excellente sélection de SF britannique. Plus tard, j’ai appris que la propriétaire, Pat Caven, est non seulement une amie de nos genres favoris (cherchez Google, et vous trouverez une de ses critiques de genre pour l’Ottawa Citizen, le webzine sfsite, la mention d’une entrevue avec Charles de Lint et, à moins de me tromper, la suggestion qu’elle a été une éditeure de genre à travers “Fourth Avenue Press” ) mais qu’elle était co-fondatrice de la défunte House of Speculative Fiction —la vénérable librairie SF&F à avoir fait les beaux jours du milieu fanique d’Ottawa durant les années 80-90 (sur “Fourth Avenue”). Elle connaît manifestement le genre: à défaut d’une librairie spécialisée, Perfect Books fait amplement l’affaire.
Leishman Books est également un excellent établissement. Hélas, leurs locaux au centre d’achat Westgate sont un tantinet trop loin pour moi. J’y passe peut-être deux fois par année. En revanche, Leishman organise parfois des activités intéressantes: Je me souvient d’une lecture organisée aux Archives Nationales en 1999 où l’on avait pu voir sur la même scène Charles de Lint, Robert J. Sawyer et Terry Brooks. La communauté fanique SF&F d’Ottawa s’y était réunie avec empressement. Même le député fédéral Mauril Bélanger (fan occasionnel de SF, ais-je appris en le croisant) était de la partie.
Mais il n’y a pas que Perfect Books et Leishman à Ottawa, bien sûr: Prime Crime Books est une toute petite librairie spécialisée en fiction noire: Tout à fait indiqué pour trouver le dernier Connelly, Mofina ou Parker. L’endroit est construit comme un salon dans lequel on a tapissé les murs de bibliothèques: Un peu intimidant quand on n’est pas un habitué, mais tout à fait charmant. Avantageusement situé à la mi-rue Bank, c’est une destination tourisme pour les bibliomanes de passage dans la capitale nationale. (Dixit leur site web: “If you look hard you’ll find us sandwiched in between Irene’s Pub and Mexicali Rosa’s. The skeleton in the window will be your first clue!“)
Du côté usagé, il y a au moins une demi-douzaine de librairies d’occasion à Ottawa. Le Book Market de la rue Dalhousie est immanquable: Quatre étages (!) et 650 mètres carrés de livres d’occasion, avec un inventaire remontant à quelques décennies. J’hésiterais à parler de librairie indépendante dans ce cas-ci (puisque Book Market a des succursales un peu partout), mais la succursale-mère sur Dalhousie a une atmosphère tellement unique qu’on a de la difficulté à y voir l’incarnation d’un méga-monstre corporatif. (L’endroit commet occasionnellement des erreurs à en couper le souffle: il y a quelques années, un petit génie mercantile avait placé les revues olés à deux pas des livres pour enfants. L’innovation n’avait pas fait long feu, surtout quand même les employées étaient estomaquées.) Si vous voulez un livre des années 70-80, le stock est hallucinant. Est-ce utile de dire qu’ils sont remarquablement bien dotés en SF&F?
Le temps m’étant limité et mes étagères n’étant pas infinies, je ne peux pas dire que je suis particulièrement familier avec les autres librairies d’occasion de la région. Ceci dit, le Book Bazaar a d’excellentes nouvelles pénates sur Bank, près du centre-ville. Plus loin sur Bank, dans le quartier huppé du Glebe, on notera Patrick McGahern Books, dans un registre nettement plus rare et définitivement plus cher. (“livres antiques”, pas “livres d’occasion”!) Un peu plus au sud, toujours sur Bank, il y a Second Thoughts Bookstore, situé tout à côté du cinéma répertoire Mayfair. Il y a moyen de tracer un itinéraire, de Sussex à Sunnyside, avec plus d’une douzaine de librairie sur moins de cinq kilomètres. (Contactez-moi si vous êtes de passage à Ottawa!)
Et j’en oublie d’autre: Des librairies sympathiques mais situées un peu trop loin; d’autres que je n’ai jamais eu la chance d’explorer pleinement. Je m’en voudrais de ne pas mentionner Benjamin Books aux centres d’achat Rideau et St-Laurent (petite chaîne originaire d’Ottawa, se spécialisant dans les livres neufs mis au pilon: Excellente sélection académique, et que d’aubaines! ) et les deux “Méga Book Sales” présentement installées au centre d’achat Lincoln Fields et au premier étage du complexe L’Esplanade Laurier en plein centre-ville. Ces dernières “méga-ventes” sont d’excellentes sources de SF britannique récente pour des prix ridicules.
Ce n’est pas un accident si Ottawa a une telle concentration de librairies: Per capita, la capitale nationale est généralement plus éduquée, plus aisée, plus lettrée, plus lectrice que les autres métropoles canadiennes. Nous avons même un festival littéraire annuel! Je vous ai parlé de la cohue annuelle à la Biblio-Vente des bibliothèques de Gatineau, mais je n’ai rien dit sur celle de Rockliffe, le quartier des ambassadeurs, des entrepreneurs et des mandarins… Une autre fois, peut-être.
Et en français, dites-vous? Ici, je dois dépendre de la bonne vieille librairie du Soleil, situé dans un endroit superbe au marché By —à deux minutes du Book Market, si quelqu’un veut faire du tourisme. Entre autres avantages (dont une sélection imbattable et la meilleure décoration intérieure de toutes les librairies de la région), la Librairie du Soleil stocke tous les livres d’Alire sur trois pleines étagères dédiées à cet éditeur. Pratique quand on veut magasiner en vitesse… Là aussi, il n’est pas tout à fait exact de parler d’une librairie indépendante quand il existe une succursale à Gatineau, mais c’est l’esprit qui compte. Étant donné le triste destin de toutes les autres librairies francophones à avoir tenté de s’établir à Ottawa, la Librairie du Soleil compte parmi la plus irréductible des irréductibles…
Bref, tout cela pour dire que les librairies indépendantes font, somme toute, assez bonne figure à Ottawa. L’Ottawa Business Journal n’est pas souvent porté à défendre les petits contre les grands, et un topo aussi enthousiaste a de quoi réjouir. En tout cas, ça ne fait que renforcer mon admiration pour Perfect Books. Alors que Pat Caven continue de commander un stock SF&F d’une qualité incroyable, alors que le petit libraire continuera de penser à son commerce comme un endroit où les gens vont pour acheter des livres, Chapters/Indigo est en “mode de croissance” et se réaligne pour devenir un magasin “de style de vie” (comprendre: moins de livres, plus de chandelles.)
Si vous n’êtes pas encore convaincu, re-lisez l’article et attardez-vous à la citation suivante:
Pat Caven, who manages Perfect Books on Elgin Street, said there was one true way to beat the box stores. “Service the hell out of your customers.” The store has been open for 10 years because people who know and love books like to deal with kindred spirits, she said. “I only hire people who love to read. In fact, I could probably pay them in books,” she laughed.
My kind of people!
Et vous, quelle est votre librairie indépendante favorite?
La bibliovente de Gatineau
C’est une tradition et un rendez-vous annuel pour tous les bibliomanes de la région d’Ottawa/Gatineau: La “grande vente de livre d’occasion” (familièrement appelée “biblio-vente”) du réseau des bibliothèques de la ville de Gatineau. Une patinoire déglacée, deux jours, quelques milliers de personnes et quelques dizaines de milliers de livres à vendre.
Je vais y faire un tour à chaque année depuis 1999, et c’est comment je me suis retrouvé en face de l’aréna Jean-Paul-Sabourin, ce matin à 8:50, à attendre l’ouverture des portes de l’événement en compagnie de quelques centaines d’autres amateurs du livre.
À chaque fin de printemps, les quelques douzaines de bibliothèques couvrant le territoire de la ville de Gatineau (anciennement Gatineau, Hull, Aylmer, etc.) combinent leurs efforts et louent la patinoire déglacée d’un aréna sportif pour y placer tous les livres dont ils veulent se débarrasser. On y retrouve surtout des dons de particuliers et des volumes excédentaires (endommagés, en double ou accumulant la poussière sur les tablettes). Romans, documentaires, bandes dessinées, disques, cassettes et autres, en français et en anglais. Chose séduisante, à part quelques exceptions telles les encyclopédies, on paie les livres non pas à l’unité, mais bel et bien au poids: 2,50$ le kilo. (En 2001, la biblio-vente a attiré près de 4000 personnes, pour des recettes totalisant plus de 33 000$ au profit des bibliothèques de la ville.)
Vous pouvez vous imaginer la cohue à chaque année, surtout lors des trois premières heures de l’événement. La biblio-vente met l’essentiel de son stock sur les tables dès le début et il faut donc se dépêcher si l’on veut obtenir le meilleur matériel. Il y a un certain côté masochiste à se pointer si tôt à cet événement: Je suppose qu’une visite effectuée en après midi ou (frissons) le dimanche pourrait être beaucoup plus calme. En revanche, qu’est-ce qui resterait sur les tables après tout ce temps? Non, pour les bibliovores, les collectionneurs et les connaisseurs (je plaide coupable aux trois chefs d’accusation), il faut être là dès le début, de façon à profiter des meilleures aubaines.
Qui plus est, il y a tout un côté macho/héroïque à se mettre en ligne, à se bousculer entre les tables, à tolérer la marmaille (et leurs parents), à saisir un volume entre trois ou quatre personnes et à braver la chaleur dégagée par des centaines de lecteurs. Peu importe si ça prends du muscle pour charrier sa boîte avec soi pendant une heure ou deux: No pain, no glory! Qu’est-ce qu’un peu d’inconfort quand on peut mettre la main sur une première édition canadienne cartonnée de Last Chance to See de Douglas Adams… signée par l’auteur? (!!!)
J’ai fini par bien m’en tirer, en ne remplissant “que” deux boîtes: 50 livres pour ~50$, y compris des premières édition cartonnée de The Lost World et Timeline de Michael Crichton (rappel; je collectionne), trois John Grisham, un Dan Brown, des manuels d’AD&D, plusieurs livres de poche récents, une édition française du Silence de la Cité d’Élisabeth Vonarburg et ainsi de suite. Une bonne récolte: suffisamment de nouveaux livres à ajouter à ma pile de choses à lire pour que je me sente coupable pendant quelques semaines. Mais cela aussi, ça fait partie de l’attrait de la biblio-vente… et il reste encore cinq mois avant le prochain événement comparable, la Rockcliffe Park Public School Book Fair de novembre…
Salon du Livre de Montréal
«Je pense qu’il y a trop de livres ici.»
Je prononce rarement ces paroles, mais le contexte était inhabituel : nous étions pris dans un cul de sac dans le stand d’un éditeur au Salon du Livre de Montréal. Et il y avait tellement de monde autour de nous que sortir du cul de sac a dû prendre quelques instants particulièrement frustrants.
Il faut dire qu’il n’y a jamais trop de livres à un Salon du Livre, mais il peut y avoir des exposants moins futés pour organiser l’espace à leur disposition. Les séances de signature peuvent également créer des problèmes: La foule était compressée serrée autour de Mary Higgins Clark et Louis-José Houde. Au stand Alire, c’était la première fois que je constatais le phénomène Senécal: une file d’attente longue de plusieurs dizaines de personnes attendait patiemment sa signature durant sa séance d’après midi. (Le soir, en revanche, les acheteurs se faisaient plus rares.) Heureusement que je suis accompagné d’une connaisseuse en pop-culture québécoise lors de mes visites à ces salons, sans quoi je raterais l’essentiel des politiciens, chanteurs, vedettes de télévision, humoristes et anciens premiers ministres sur place.
Pour ceux qui sont conditionnés à aimer les livres et détester les foules, les Salons du Livre sont des endroits bien étranges, pratiquement schizophrènes. Lire est une activité solitaire, alors confronter une foule grouillante de lecteurs peut laisser songeur avant s’en arriver tout droit à des fantasmes homicidaires alors que personne ne semble savoir comment se déplacer correctement. Ce n’est pas une surprise si un titre comme Meurtre au Salon du Livre peuvent soudainement sembler attirant. Ah, c’est dommage d’avoir oublié ma hache rouillée à la maison…
Heureusement, il n’y a pas que La Foule au Salon. Il y a également Les Amis et Les Éditeurs Sympathiques. Nous avons fini par faire des escales régulières au stand Alire («rendez-vous sous l’homme pendu»), point d’eau des auteurs et fans de genres de l’imaginaire adulte au Salon. Alire avait pris soin d’inviter l’essentiel des auteurs de leurs livres les plus récents, et c’est ainsi que j’ai pu faire autographier les quatre titres de la maison qui étaient sur ma liste d’achat (Francine Pelletier, Norbert Spehner, Camille Bouchard et Jacques Bissonnette, ces deux derniers rencontrés pour la première fois). Ailleurs au salon, j’ai pu saluer (trop brièvement) Michel «J! J! J!» Lévesque, Claude Bolduc, Yves Meynard… Et c’est sans compter ceux que l’on voit souvent à Boréal: Joël Champetier, Élisabeth Vonarburg, Natasha Beaulieu, Esther Rochon, Vincent Saint-Aubin Émard, Jean Pettigrew, Louise Alain, Pascale Raud, Jean-Louis Trudel… même Daniel Sernine et Hugues Morin comme special walk-in guests. Mais ce n’est pas facile de conduire des conversations en bribes de trente secondes entre deux ventes et vingt personnes qui tentent de naviguer le salon! (Comme quoi même les plus chiâleux font souvent partie du problème!)
Et tout ça en plus de l’attrait du Salon lui-même, qui devient pendant quelques jours la plus vaste librairie francophone en Amérique du Nord (voire même au monde?) Michel Jobin et moi nous sommes amusés à imaginer un Salon futur ou, moyennant des puces RFID dans chaque livre sur place, on verrait un immense compteur électronique afficher le nombre de livres sur place. Il y a un plaisir à tourner des coins, voir des oeuvres favorites (que j’ai souvent déjà lu en anglais) ou découvrir des titres inconnus. Je suis ainsi reparti avec un nouveau livre de SF canadienne-française dont je ne soupçonnais pas l’existence avant le congrès: L’Escouade des initiés de François Bellavance. (On en reparlera.)
Mais tôt ou tard, le poids de la foule finit par taper, et l’irritabilité prend le dessus sur la bibliophilie. Une marche à l’extérieur du salon avait le mérite de changer les idées, mais ne fut pas nécessairement moins mouvementée: En cinq minutes, nous avons vu des traces de la parade du père Noël, d’un tournage de film et d’une manifestation environnementale. Tenter de trouver un restaurant moins-que-plein sur Sainte-Catherine en ces circonstances…
Mais bon; plus tard durant la journée, le Salon a retrouvé une bonne partie de son charme. Couloirs navigables, superstars-auteurs accessible (« Pourquoi tu ne va pas parler à Fabien Larouche? À Paul Piché? ») et bruit de fond moins opprimant. Le hall d’exposition de la Place Bonaventure comporte des plateformes donnant vue sur l’ensemble du salon. Et de là-haut, l’endroit prend une autre forme. Loin des tapis rouges des corridors, des embouteillages humains ou des milliers de livres exposés, les piliers de béton soutenant l’espace du hall deviennent plus apparents et le résultat est plus près de la caverne que de l’exposition. Une caverne où on aurait entreposé la littérature francophone du moment, et où des milliers d’heureux vont chercher des trésors en échangeant quelques écus avec les marchands sur place… Bref, une espace plus fantastique qu’on pourrait le soupçonner à tenter de négocier un chemin entre quinze ados, dix matantes, cinq poussettes —et une marcotte verte.
Pour ceux qui auraient manqué tout ça, vous pourrez vous reprendre en novembre prochain… où plus tôt près de chez-vous, à une échelle réduite.
Ailleurs sur le web :
- Je ne suis pas le seul à remarquer que «le salon a frôlé les limites de son hospitalité et probablement fait découvrir de nombreux cas d’agoraphobie»
- Rapport divergents de séance de signature d’ex-premiers ministres: Brian Mulroney et Jean Chrétien.
Comment ne pas acheter trop de livres
Si je me fais rare sur le blog ces temps-ci, ne soyez pas inquiet: J’ai un autre projet d’écriture qui va accaparer l’essentiel de mes temps libres durant le mois de Novembre. Lecture, cinéma, blog et autres divertissements sont mis sur la glace jusqu’au premier décembre. Désolé!
Ceci dit, rien n’allait me retenir d’aller faire un tour à un événement immanquable pour tous les bibliomanes de la région d’Ottawa: La Rockcliffe Park Public School Book Fair, une méga-vente de livres usagés servant à financer l’école publique du quartier posh des bien nantis d’Ottawa. On y trouve à chaque année une sélection étonnante de livres assez récents, le plus souvent en grand format à couverture cartonnée. Ce n’est pas un endroit idéal pour la science-fiction et la fantasy, mais si vous êtes un amateur de fiction criminelle, de politique canadienne ou de livres pour enfants, il est difficile de faire mieux qu’à Rockcliffe.
Manquer l’événement n’était pas une option acceptable. Mais trop acheter n’était pas préférable: J’ai déjà plus de livres dans ma pile “à lire” que la plupart des gens ont lus de leur vie: y ajouter une soixantaine de nouveautés n’est vraiment pas la façon de régler mon problème de livres en trop. Le défi est donc devenu le suivant: Comment aller à ce genre d’événement et ne pas (trop) acheter?
En bon bibliolique avoué, voici donc mes dix conseils pour ne pas (trop) acheter à une vente de livres usagés:
1. Présentez-vous au mauvais moment: À Rockcliffe, les connaisseurs se présentent à deux reprises: Le vendredi midi pour profiter de la sélection initiale et le dimanche après-midi pour nettoyer ce qui reste… à demi-prix. Se présenter le samedi midi est une façon de limiter ses choix: Il n’y a plus d’aubaines, ni de livres hot-hot-hot.
2. Tenez-vous en à une petite boîte. Dès votre arrivée, procurez-vous une seule boîte à capacité modeste et dites-vous que peu importe ce qui arrive, vous êtes limités à ce que vous pouvez y mettre. Une bonne partie des stratégies suivantes consiste à trouver des façons inefficaces de remplir votre boîte. Comme, par exemple…
3. Privilégiez les grands livres à couverture cartonnée. Après tout, ils prennent la place de deux livres de poche!
4. Considérez la mise à jour de certains livres que vous avez déjà. The Alienist de Caleb Carr et Rising Sun de Michael Crichton: Vous avez déjà lu ces livres? Vous ne détesteriez pas en avoir une bonne édition en grand format? Votre édition de Void Moon de Michael Connelly est à deux ficelles de l’effritement? Vite dans la boîte: ils prennent la place de livres que vous n’avez pas déjà lus.
5. Ne prenez que les livres que vous tenez absolument à obtenir. Dans le panthéon des romans ayant remporté le Prix Hugo, They’d Rather Be Right de Clifton et Riley trône comme un des plus obscurs et des plus difficiles à obtenir. Repartir de la vente sans l’exemplaire qui y traînait aurait été impensable.
6. Considérez les livres que vous allez acheter éventuellement, espèces de complétistes. Speed of Dark, d’Elisabeth Moon, est un des rares romans à avoir remporté le prix Nebula que je n’ai pas encore lu. J’ai tout Dan Brown sauf Digital Fortress. Allez hop, dans la boîte.
7. Restez fidèles aux auteurs que vous suivez attentivement. Si Rockcliffe a un avantage sur d’autres grandes ventes de livres usagés, c’est de pouvoir y attraper, année après année, la production des “grands” auteurs de thrillers et de fiction criminelle. Vous voulez tout Clancy ou Grisham? Allez faire un tour à Rockcliffe. Sans être un fan assidu de Michael Crichton, Douglas Preston ou Robert Harris, je m’intéresse suffisamment à leur œuvre pour avoir l’intention de lire tout ce qu’ils vont écrire, à un moment donné ou un autre. D’où le transfert de leurs dernières oeuvres des étagères à ma boîte. (Qui plus est, il y a un malin plaisir à trouver State of Fear comme usagé moins de six mois après sa parution. La critique viendra…)
8. Oubliez certaines sections qui ne vous intéressent pas de toute façon. Connaissant les aléas des mauvais placements de livres, j’ai l’habitude de ratisser ces ventes de long en large, dans l’espoir que quelqu’un aie mis To Serve Man dans la section “Livres de Cuisine”. Mais si votre but est d’acheter aussi peu de livres que possible… oubliez ça!
9. Sachez quoi laisser sur les étagères. Les livres qui seront de retour l’an prochain. Les livres qui pourraient vous intéresser… si vous n’auriez rien d’autre à lire. Les éditions Book Club. Les ouvrages endommagés. L’œuvre des auteurs que vous détestez de toute façon. (“Eh, pourquoi pas?” n’est pas une raison valide!)
10. Laissez votre impatience triompher. Vous avez fait le tour de vos sections favorites? Les gens autour de vous commencent sérieusement à vous agacer? (Parenthèse sur les mauvais parents. Fin de la parenthèse.) Votre parcomètre va expirer? Allez à la caisse, ouvrez votre portefeuille et dites-vous que vous avez été à la fois un lecteur raisonnable et un consommateur responsable.
Après ces sages conseils, quel a été le bilan de ma visite cette année? Pas trop mal, finalement: Contrairement aux années passées (deux visites, deux boites, une soixantaine de livres), je m’en suis tiré avec une visite et un trois-quarts de boite contenant vingt livres, dont seulement douze ont été placés dans ma pile de livres à lire. Sans être guéri, il y a clairement du progrès dans ma condition.
Retour à Bouquinville
L’expression serait de Stanley Péan, mais c’est l’ami Jean-Louis Trudel qui nous a familiarisé avec le terme “Bouquinville” pour décrire la cohue, l’importance et l’intensité du Salon du Livre de Montréal. C’est un événement qui partage des avantages avec n’importe quel Salon du Livre de bonne taille: Pour les lecteurs, c’est un endroit qui célèbre le livre sous toutes ses formes. Pour les auteurs, c’est un des rares endroits où ils peuvent quitter leur écran de travail pour y rencontrer d’authentiques lecteurs. Pour les éditeurs, c’est une occasion de vendre directement à leur audience. Comme dans les autres Salons, on y achète des livres, on y demande des signatures, on regarde ce qui se fait.
Mais le Salon du Livre de Montréal a des dimensions et une importance qui font pâlir les autres événements du même type. Les gens de Québec ou Gatineau auront beau être fier de leurs propres Salons, ceux-ci ne sont pas la grande rencontre du milieu de l’édition francophone d’Amérique. Le SLM, ce n’est pas qu’une méga-librairie; c’est aussi un congrès pour les éditeurs et professionnels du milieu.
Même à l’échelle risible d’un blog infréquent portant sur les genres imaginaires, il est difficile d’aller au Salon en humble et parfait lecteur anonyme. Avant même de rentrer au salon, voilà des boréaliens qui disent bonjour. Au fil des rencontres imprévues avec les amis, voilà des discussions sur les films de SF du moment, des mentions de nos billets les plus récents, des potins du milieu de l’édition et des techniques d’écriture. Un arrêt au stand des éditions Alire ou Six Brumes s’avère toujours une bonne façon de rencontrer plusieurs auteurs, critiques et fans des genres d’ici.
Et ça explique pourquoi, année après année, il semble essentiel de conduire deux heures, braver la signalisation et la circulation montréalaise, naviguer les dédales du centre-ville souterrain, tolérer les bambins mal élevées, ne pas crouler sous la chaleur et ne pas fendre un chemin à travers la foule à coup de machette pour passer quelques heures à Bouquinville. L’alternative de rester chez-soi et laisser les autres avoir tout se plaisir serait insupportable.
Gros plan sur le stand Alire. Qui reconnaissez-vous?
Quelques notes supplémentaires:
- Bonjours aux lecteurs de Fractale Framboise rencontrés ici et là au salon, dont Gen et Pierre.
- Pour ceux qui ne lisent par l’Ermite de Rigaud (honte à vous!), des discussions au salon nous amènent à vous suggérer fortement la lecture d’un de ses plus récents billets. (Ces même discussions nous amènent également à suggérer aux auteurs qui font affaire avec une certaine maison d’édition de considérer prendre leurs distances, au moins jusqu’à ce que l’approche dudit éditeur aux relations publiques devienne moins… particulière.)
- “La parade du Père Noël est un moment magique pour les touts-petits”… et un moment tout aussi magique pour les non-Montréalais coincés de l’autre côté de Sainte-Catherine pendant ce temps.
- Recommandé: les salades du Deli Planet (mais amenez votre propre fourchette, parce que le plastique et la laitue…)
- Le livre électronique a déjà triomphé, et ne passera pas par le Kindle: Discutez. (Points boni: SLM et eBooks co-existeront paisiblement.)
- Patrick Senécal est un surhomme de la signature.
- Dan Brown est partout: On a même vu des copies de The Lost Symbol, en version originale anglophone, en vente au Salon!
- Le rôle principal d’un éditeur est-il de publier ou refuser des textes?
- ArghWTFBBQ: Pas le temps d’aller voir lancer des Brins d’éternité.
- Aucun doute: le milieu de la SFQ maigrit.
- Sur ce, je retourne travailler un texte.