A l’affiche 2007: Films de 2007
Les Oscars! Non seulement s’agit-il du Superbowl pour les cinéphiles, c’est également une excellente occasion pour examiner ce qui s’est fait au cinéma en 2007. Tendances, réussites, innovations –que faut-il retenir de l’année dernière au cinéplex?
L’univers du film est vaste. Hollywood (c’est à dire “le mécanisme qui achemine les œuvres les plus susceptibles d’être vues par plus d’une centaine de personnes”) produit à peu près 200 films en salles par année. Incluant les films sur le “circuit artistique” des plus petites salles, les sorties vidéo, les films étrangers les plus populaires et les films à micro-budget ayant connu un certain succès dans les festivals, le nombre monte à un peu plus de 500 titres plus ou moins généralement disponibles. Et encore là, c’est une fraction du total: L’industrie du film pornographique et celle du film indien ajouteraient chacun des centaines de films à ce sous-total… et c’est sans parler du reste des films produits ailleurs dans le monde.
Bref, les douzaines de films nominés et célébrés à la cérémonie des Oscars sont au sommet d’une pyramide composé de milliers de pierres. Il serait impossible à quiconque de voir tout ce qui se fait annuellement. Mais il n’est pas impossible de voir l’essentiel de ce qui mérite d’être vu, surtout si on est particulièrement intéressé en un genre précis.
Parfois, le tour d’horizon est court.
Mettons cartes sur table: Le meilleur film de SF de l’an dernier était MEET THE ROBINSONS. Quelles étaient les alternatives, après tout? SUNSHINE, complètement imbécile malgré des décors de hard-SF? TRANSFORMERS, avec des robots géants s’exprimant comme des débiles mentaux? NEXT, incapable de transformer une nouvelle de Philip K. Dick en un film intéressant? THE LAST MIMZY, qui a martelé un classique dans une maquette de films pour enfants? Et si je vous concède la première moitié d’I AM LEGEND, l’horrible conclusion du film le disqualifie automatiquement.
Les nouvelles étaient un peu plus encourageantes en matière de fantastique. 1408 et THE MIST ont adapté des nouvelles de Stephen King en films de série B acceptables, alors que EL ORPHANATO a bien fait avec des éléments convenus. En revanche, je n’ai rien de bien positif à dire au sujet des énièmes suites de film de films d’horreur/SF que continue à nous infliger l’industrie: À part quelques images intéressantes, est-ce qu’il y a quelque chose de remarquable à propos d’ALIEN VS PREDATOR 2, RESIDENT EVIL 3 ou 28 WEEKS LATER? La troisième version de THE INVASION a réinventé mollement des clichés. 30 DAYS OF NIGHT était plus décevant que mauvais, mais ça n’en faisait pas une meilleure expérience cinématographique pour autant. S’il y a au moins quelque chose de positif à dire, c’est que Hollywood semble s’éloigner (momentanément) des films de torture, et que la vague des remakes des films d’horreur japonais semble également s’estomper. Dans les deux cas, les résultats du box-office rejoignent progressivement le consensus critique.
Les nouvelles étaient meilleures du côté fantasy. Une fois passé le cinquième volet de la série HARRY POTTER (moins accessible que les précédents pour les non-lecteurs, mais toujours aussi potable), STARDUST a bien tourné. C’est dommage que THE GOLDEN COMPASS n’était pas aussi réussi: comme BEOWULF, on peut y reconnaître des bons moments, mais le tout ne semble pas fonctionner comme film. Je semble être un de ceux qui ont le mieux toléré PIRATES OF THE CARRIBEAN 3, mais les longueurs et les excès indulgents du film avaient de quoi saper l’enthousiasme de quiconque.
Dans le domaine spécialisé des films de super-héros, 2007 n’a vraiment pas été une bonne année. SPIDER-MAN 3 a été une déception quasi-unanime (trop de matériel, pas assez de profondeur), alors que GHOST RIDER fut un désastre incontestable. FANTASTIC FOUR 2 était légèrement supérieur à son prédécesseur, mais ça n’en fera pas pour autant un film remarquable. Meilleure chance l’an prochain…
L’année a été meilleure en matière de dessins animés. RATATOUILLE fut un autre succès complet pour Brad Bird et Pixar. PERSEPOLIS était une adaptation exemplaire de la bande dessinée autobiographique de Marjane Satrapi. SURF’S UP a prouvé qu’il restait encore de la place pour un autre film de pingouins. Mettant de côté ce qui a été nominé aux Oscars, THE SIMPSONS MOVIE a livré ce que l’on attendait d’un tel film, alors que SHREK 3 a montré que la formule Shrek commence à s’étirer.
2007 a peut-être été l’année du film d’acteur. 3:10 TO YUMA combinait le western avec des questions morales assez élaborée et des performances d’acteurs remarquables de la part de Russell Crowe et Christian Bale. Ce n’était pas le seul film à saveur criminelle à dépendre de performances exceptionnelles: AMERICAN GANGSTER est un triomphe pour Denzel Washington, TALK TO ME repose sur le charme de Don Cheadle, EASTERN PROMISES n’aurait pas été aussi acclamé sans Viggo Mortensen, A MIGHTY HEART est une pièce d’anthologie pour Angelina Jolie et MICHAEL CLAYTON ne fonctionnerait pas aussi bien sans le visage hagard de George Clooney. Mais tous les films d’acteur ne sont pas créés égaux: Jodie Foster sauve THE BRAVE ONE de la faillite, mais ne réussit pas à faire un bon film avec un scénario minable. Ben Kingsley, Colin Firth et Ashwarya Rai sont admirables dans THE LAST LEGION, mais ils ne font que mettre une patine respectable sur un film profondément ridicule.
Depuis quelques années, on assiste à un renouveau du thriller géopolitique, une tendance qui s’est à nouveau répétée en 2007. En plus d’A MIGHTY HEART, qui avait la bonne idée de situer un thriller dans les rues de Karachi, THE KINGDOM a tenté (avec un succès mitigé) de marier la géopolitique au film d’action. Ceci dit, c’est THE BOURNE ULTIMATUM qui a le mieux réussi à se promener habilement autour de la planète en faisant allusion à des thèmes contemporains tels la surveillance omniprésente et la moralité suspecte des programmes de sécurité nationale. RENDITION et SHAKE HANDS WITH THE DEVIL ont également abordé des enjeux politiques importants, mais avec un succès qui ne parvenait pas à la hauteur de leur bonnes intentions. L’Irak, inévitablement, a aussi été un thème en 2007, tel que relevé par IN THE VALLEY OF ELAH et le documentaire NO END IN SIGHT.
(J’aurais aimé voir plus de documentaires, mais en fin d’année, je reste limité à l’excellent NO END IN SIGHT, et SICKO du toujours-divertissant Michael Moore.)
Parfois, le géopolitique tourne au géo-sardonique. CHARLIE WILSON’S WAR racontait un sujet assez sérieux avec un sourire narquois. Pendant ce temps, THE HUNTING PARTY abordait avec une froide ironie l’hypocrisie qui englobe la traque aux criminels de guerre.
Mais même sans géopolitique, le thriller s’est bien porté en 2007. BREACH a offert un regard intime sur la psychologie d’un traitre au sein des services de renseignements américains. DISTURBIA a réussi un remix surprenant de REAR WINDOW pour adolescents. FRACTURE a profité d’un duel d’acteurs entre Anthony Hopkins et Ryan Phillippe. GONE BABY GONE a confirmé (après MYSTIC RIVER) que c’est une bonne idée d’adapter les romans de Dennis Lehane au cinéma. SHOOTER a réussi à mettre à jour un roman de 1992 à la saveur cynique du vingt-et-unième siècle. Mais en matière de remise à jour, rien ne fut aussi délicieux que LIVE FREE OR DIE HARD, qui a retapé le film d’action des années 1980 avec les cyber-thèmes de 2007.
Malheureusement, les fans de films d’action sont restés déçus plus souvent qu’autrement… et ce, peu importe leur provenance géographique. Au Québec, NITRO a bien commencé mais mal tourné. En France, TAXI 4 continue la déchéance de la série. RUSH HOUR 3 a réussi à unir France et États-Unis en une haine commune pour les mauvais films.
Mais s’il faut parler de navets, ça ouvre toute une boite de Pandore. Comme d’habitude, il existe des films mauvais-et-ennuyeux, mais aussi des films mauvais-mais-ridicules. Ces derniers sont toujours plus agréables à regarder que les premiers. Dans la catégorie ennuyeuse, on notera EPIC MOVIE, PATHFINDER et WAR. Dans la catégorie ridicule, on trouvera un certain panache nauséabond en HANNIBAL RISING, I KNOW WHO KILLED ME et PERFECT STRANGER.
Ce n’est pas un accident si le thriller criminel a souvent tendance à sombrer dans l’absurdité. La course aux retournements retors peut aller trop loin, et les excès fantastique d’I KNOW WHO KILLED ME rivalisent avec la profusion de tueurs en série qui s’accumulent dans MR. BROOKS. Heureusement, ce ne sont pas tous les thrillers criminels qui ont sombré dans ces excès. WE OWN THE NIGHT n’était peut-être pas aussi extraordinaire que le promettait son générique, mais tenait généralement la route. ZODIAC fut un exercice parfaitement contrôlé en drame criminel bien réalisé. YOU KILL ME a adopté un ton mi-comique, mi-criminel pour un petit film tout à fait plaisant.
La veine crimino-amusante a d’ailleurs trouvé un certain filon heureux en 2007. HOT FUZZ s’est avéré une excellente parodie des films d’action policière. OCEAN’S THIRTEEN a su corriger les excès d’OCEAN’S TWELVE et renouer avec le thriller très cool. Les mots manquent pour décrire l’excès grand-guignolesque de SHOOT’EM UP, qui comporte plus de coups de feux que la vaste majorité des autres films d’action de l’année, combinés. De son côté, NATIONAL TREASURE 2 a su recréer le mélange d’aventure, d’histoire et d’humour qui avait fait du premier film un moment aussi plaisant.
Si vous préférez vos comédies sans fusils, des choix tout à fait charmants vous attendent au vidéo-club: HAIRSPRAY s’avère une comédie musicale avec le cœur à la bonne place. (STOMP THE YARD n’est pas tellement différent malgré le style musical urbain.) WAITRESS est d’un charme irrésistible malgré un sujet peu prometteur. Parlant tendance, les grossesses imprévues ont également été les fondations de KNOCKED UP et du triomphe qu’était JUNO. (Ceci dit, toutes les comédies ne sont pas aussi drôles. N’espérez pas trop de WALK HARD, et restez très loin de NORBIT sous peine de lobotomie involontaire.)
Parler de JUNO nous amène à aborder le sous-genre bien précis des “films à Oscars”: Vous connaissez le genre favori de l’académie, pas nécessairement divertissant pour l’ensemble des foules et généralement inaperçu jusqu’aux nominations de l’Académie. S’il est indéniable de reconnaitre l’expertise avec laquelle ATONEMENT, THERE WILL BE BLOOD et NO COUNTRY FOR OLD MEN ont été exécutés, il y a de quoi rester déçu par plusieurs éléments de ces films. En revanche, LE SCAPHANDRE ET LE PAPILLON réussit à transformer une prémisse insupportable (un homme paralysé, sauf pour un œil) en un film d’une efficacité surprenante.
Reste quelques films qui défient les attentes et les idées préconçues. La prochaine fois que quelqu’un se plaint du manque d’audace et d’originalité de Hollywood, faites-leur une faveur et mettez-leur quelques titres sous le nez: SWEENEY TODD comme comédie musicale dégoulinante, LIONS FOR LAMBS comme hybride entre film d’action et film philosophique bavard, ou bien GRINDHOUSE comme recréation délibérée d’une expérience cinématographique bien précise. Il ne s’agit pas de films complètement réussis, ou complètement originaux (SWEENEY TODD est une adaptation, GRINDHOUSE est un pastiche), mais qui aurait cru voir de tels films insolites sur des milliers d’écrans?
Un tel survol ne serait pas complet sans une liste de films favoris prête à susciter la controverse (ou, au moins, le mépris). Si vous me forcez à choisir mes films favoris de l’année, vous obtiendrez…
- RATATOUILLE
- LIVE FREE OR DIE HARD
- AMERICAN GANGSTER
- HOT FUZZ
- GRINDHOUSE
- SICKO
- SHOOT’EM UP
- THE KINGDOM
- HAIRSPRAY
- ZODIAC
Et maintenant, vivement la classe de 2008!