Lectures 2008
Il aurait été impensable que Fractale Framboise ne discute pas du livre Science, on blogue!: Les ouvrages francophones sur les blogues sont rares; et ceux sur les blogues scientifiques se conjuguent vraisemblablement au singulier. Toujours est-il que l’excellente agence Science-Presse a vu un marché se chiffrant dans les centaines de lecteurs et a décidé de plonger : le résultat est un livre documentaire traitant des blogues portant sur la science. C’est une pub pour Science-Presse (et plus particulièrement pour leur site «Science, on blogue!»), c’est une introduction aux blogues, c’est un survol du domaine, c’est une célébration du scientifique-vulgarisateur, c’est un plaidoyer pour une science plus accessible au grand public et c’est une collection des meilleurs billets publié sur «Science, on blogue!» durant ses deux premières années. On y trouve même des mots de la plume de l’ami Mario Tessier.
À en croire l’organisation du livre, le livre s’adresse à ceux qui ont entendu parler des blogues scientifiques et qui veulent en savoir plus. La première partie, «Entrez dans la blogosphère!» s’aventure à expliquer le phénomène pour ceux qui n’y connaissent presque rien. Un premier chapitre sur «Pourquoi diable bloguer?» donne suite à un deuxième chapitre expliquant quelques notions élémentaires, puis à un survol de la courte histoire du blog scientifique jusqu’en 2007. Un quatrième chapitre disjoint explore la baladodiffusion avant d’attaquer les enjeux idéologiques soulevés par la diffusion d’information libre. Pour clore cette première section, le cinquième chapitre incite les lecteurs à bloguer en leur montrant quoi faire, puis explore le cas du site-parapluie «Science, on blogue».
En deuxième partie, ce sont les liens spécifiques entre les blogues et la science qui sont disséqués. Science, on blogue! examine là où la science mène au blogue et vice-versa, montrant comment les scientifiques de toutes spécialisations peuvent profiter d’un contact plus direct entre eux et un plus grand public. Un survol des blogs scientifiques déjà établis (en français, mais surtout en anglais) complète cette section. (Confrontant la nature vite périmé d’un tel survol, les concepteurs du livre ont mis le contenu de ce chapitre sur un wiki, et invitent les lecteurs à garder cette section à jour. Reste à voir comment vieillira le reste du livre…)
Finalement, la troisième section de Science, on blogue! réimprime des billets déjà parus sur «Science, on blogue!», allant d’enjeu scientifi/culturels, à des articles de vulgarisation d’actualité, à des descriptions de la pratique de la science, à des billets d’humeurs sur l’intersection entre la politique et la science. Mario Tessier (blogueur culturel sur Science on Blogue, mais aussi visiteur et commentateur sur Fractale Framboise) voit trois de ses billets inclus dans cette anthologie.
La lecture du livre démontre qu’il s’adresse avant tout à ceux qui sont déjà sympathiques à la science: Même s’il est écrit pour un grand public, les explications portent sur le monde des blogues, pas sur celui des sciences. L’attitude sous-jacente en est une qui cherche à mousser l’intérêt pour la science, à combattre certains préjugés et à encourager les lecteurs à faire leur part. C’est très plaisant à lire. Le tout est bien informé (aucune erreurs évidente ne vient à l’esprit) et très bien sourcé: Science, on blogue! baigne dans tellement dans l’atmosphère de la blogosphère qu’une des particularités du livre est d’illustrer de nombreux segments par des citations tirées de blogues divers. Ces citations, souvent bien traduites de l’anglais, offrent aux lecteurs une occasion de se faire une idée de la qualité de l’écriture sur les blogs, en plus de laisser la parole aux blogueurs eux-mêmes. (Pour ceux qui portent attention, un certain «JLT» échange quelques idées avec Mario Tessier aux pages 199-201.)
Évidemment, un livre-en-papier sur les blogs mène inévitablement à quelques questions évidentes : Pourquoi un tel objet? Le sujet ne serait-il pas mieux servi par un site internet? Et la réimpression d’articles connus, n’est-ce pas payer pour ce que l’on peut avoir gratuitement? Évidemment, tout dépend de l’audience. Les blogueurs, ironiquement, ne font pas partie de la première audience du livre: Je soupçonne que cet ouvrage est en grande partie dédié aux bibliothèques, pour être mis à la disposition de ceux qui cherchent des sources «respectables» (c’est-à-dire: que l’on peut citer dans des ouvrages et des articles). Pour les scientifiques et fanas des sciences qui cherchent une porte d’entrée dans le monde bourdonnant et confus des blogues, le livre rencontrera son objectif: Pascal Lapointe et Josée Nadia Drouin ont réussi le travail difficile de présenter la blogosphère de façon plus ou moins structurée, tenant la main du néophyte à travers la nouvelle façon de faire qui est propre aux blogues. (Et pourtant pas si éloignée de la recherche scientifique pratiquée depuis si longtemps…) Chose certaine, les auteurs sont à la fine pointe des innovations apportées par les technologies Internet et remplissent avec enthousiasme leur rôle d’éclaireur pour les scientiphiles en mal d’éclaircissements.
C’est finalement cette association étroite entre le sujet des blogues et l’attitude pro-science qui donne au livre la particularité nécessaire à une recommandation : Science, on blogue! finit par enseigner la science aux blogueurs autant qu’il enseigne les blogues aux scientifiques. Pour ceux qui, comme moi, ont un intérêt scientifique certain mais trop diffus, c’est également un rappel que des sources de renseignements en la matière existent et méritent un peu plus d’attention. L’impact pédagogique du livre est efficace, et sa lecture est agréable. (Les scientifiques-blogueurs qui agissent comme héros implicites de ce livre ont maintes occasions de démontrer qu’ils sont aussi sympathiques que n’importe-qui d’autre.) Ceux que le sujet intéresse mais qui seront rebuté par le 30$ que coute le livre devraient donner raison à leur bibliothèque et y jeter un coup d’œil à leur prochaine visite.