Congres 2006: SLO 2006: Deux visites et sept entrevues
Et c’est parti: Jusqu’à dimanche, le Salon du Livre de l’Outaouais bat son plein. Fidèle à mes habitudes, je suis passé y faire un premier tour avant la cohue du samedi.
Les habitués du salon seront toujours à l’aise cette année: Très peu de choses ont changés pour cette 27e édition toujours tenue dans les locaux exigus du Palais des Congrès de HullGatineau.. Beaucoup d’exposants, souvent situés au même endroit que de par les années passés. Le prix d’entrée est toujours de 6$, bien que l’on vous remette en échange l’équivalent en coupons-rabais valides chez certains exposants. (Mais pas tous!)
Ce jeudi soir-ci était fort calme, peut-être même plus que d’habitude: La région d’Ottawa/Gatineau ayant subi une journée verglacée, plusieurs écoles (qui organisent des visites au Salon) ont préféré ne pas sortir les autobus. Mais même en temps normal, le jeudi soir est un des moments les moins achalandés du salon. J’en ai donc profité pour faire mes achats et réaliser deux entrevues.
La première entrevue a eu lieu au stand des éditions Alire, en compagnie de Louise Alain (Direction Commerciale) et Frédéric Fournier (Adjoint à la promotion). La retranscription:
Le Salon du Livre de l’Outaouais compte près d’une centaine d’exposants. Pourquoi arrêter au stand d’Alire plutôt que n’importe quel autre?
FF: Alire est un des rares éditeurs qui sont à leur stand et qui connaissent leurs livres. En général, dans les grands stands des distributeurs (pour réutiliser l’expression d’une collègue), c’est des vendeurs de hot-dogs. Ils surveillent plus pour le vol que pour vendre des livres.
LA: Souvent, les professionnels qui sont ici pendant le salon et qui pourraient parler de leurs livres, ils préfèrent parler entre eux.
FF: Ils sont plus là pour surveiller si les surveillants font bien leur travail.
LA: Ou bien ils sont là pour faire des contacts. Ils n’ont pas le souci de rencontrer leurs clients.
Pour les visiteurs au Salon du Livre, la routine est simple: beaucoup de bouquinage et quelques achats. Mais quelle est la réalité d’un salon tel que vu par un exposant?
LA: Quand il y a des visiteurs, on s’occupe d’eux. Sinon, on s’amuse entre exposants. Il existe une certaine fraternité qui c’est créée au fil des salons… On se connaît tous, et quand il n’y a personne on prends plaisir à se retrouver.
FF: Nous sommes ici de l’ouverture à la fermeture.
LA: Douze heures. Dans notre cas, puisqu’on est deux, on peut se relayer, mais il y a beaucoup de petits éditeurs qui sont seuls. Il y a des bénévoles pour les remplacer, mais…
Est-ce que chaque journée a ses propres caractéristiques?
LA: En semaine, oui, parce qu’il y a des écoles. Une journée c’est le primaire, l’autre c’est le secondaire. Il arrive aussi que le vendredi après-midi soit la journée des aînés: ça a été populaire il y a quelques années, mais moins de nos jours. La fin de semaine, c’est vraiment le grand public. Selon la température, il y a toujours une grosse journée durant la fin de semaine, soit le samedi ou le dimanche. Si ce n’est pas le samedi, on se dit que c’est demain, et quand on a un gros samedi on se dit bon, ça va être mollo demain.
Alire célèbrera bientôt son dixième anniversaire. Aux Salons du Livre, comment est-ce que la réaction des gens à la maison d’édition a changé depuis vos débuts?
LA: Souvent on voit les gens qui disent Ah, ils sont ici! (…) Ce qui a changé, c’est qu’ils ont maintenant le plaisir de retrouver un terrain connu. La clientèle que l’on s’est bâtie nous demande bon, bien qu’est-ce que vous avez de nouveau depuis l’an dernier? Il y a des gens qui achètent ici, qui veulent nous voir, qu’on leur présente les livres, qu’on leur dise quels sont les nouveautés. Puisqu’ils nous connaissent –moi, je suis ici à chaque année depuis dix ans, Fred est ici de plus en plus – les gens ont développés une confiance et se fient à nos recommandations.
En tant que vétérans de multiples salons, qu’est-ce qui distingue le Salon du Livre de l’Outaouais des autres événements du genre?
LA: C’est un des salons, des marchés que j’ai trouvé le plus difficile à pénétrer. Les collègues éditeurs disent toujours Ah, l’Outaouais, c’est un des meilleurs salons, ça vend bien mais pour Alire, ça a décollé tranquillement. Depuis quelques années, on a atteint une clientèle fidèle, comme ailleurs. Mais j’ai trouvé ça difficile ici aux débuts. Je ne suis pas certaine que ce soit un de nos salons les plus forts non plus.
FF: C’est le troisième en importance. Mais avec le temps, j’ai l’impression que tu lui a fait prendre sa place auprès des autres salons.
LA: Il a finit par réagir comme les autres. Mais je me suis souvent posé la question: Il est dur, ce salon-là. Pourquoi? Je ne sais toujours pas pourquoi ça a été plus lent.
En Outaouais, on parle depuis plusieurs années de déménager le salon à un autre endroit. Est-ce que les lieux actuels vous causent des problèmes au niveau logistique ou organisationnel?
LA: Je n’aime pas les deux salles séparées. J’aimerais mieux un salon avec une grande salle où tout le monde est réuni. C’est plus facile pour tout le monde. Autrement, ça oblige les petits éditeurs à être dans les couloirs ou à être mal positionnés. Ce que je trouve désolant ici, c’est que si je ne viens pas avec mon distributeur, c’est difficile d’obtenir un bon positionnement.
FF: Le Salon ici est trop saturé; il n’y a plus de place pour personne d’autre.
Comment s’organise un salon pour un exposant; quelle planification, combien de livres; comment sont-ils acheminées ici?
FF: La commande est passée au distributeur, qui amène les livres sur place. Cette année, nous avons amené une demi palette de livres: Tout est placé sur les étagères, avec quelques-uns en dessous. Nous n’allons certainement pas revenir avec autant de livres: l’essentiel va se vendre. Les quantités sont bien calculées.
LA: D’une année à l’autre, on voit les tendances, on peut planifier d’année en année; on sait ce que l’on a vendu l’année précédente, donc on en ajoute quelques-uns de plus.
FF: Il faut aussi prendre compte des auteurs en séances de signature, des nouveautés… Faut aussi s’assurer de ne pas avoir un stand trop vide, avoir trop de trous sur les étagères.
Il est entendu que vos visiteurs sont, de loin, la meilleure chose à propos du salon. Ceci dit, est-ce qu’il y a certain… comportements… que vous aimeriez ne plus voir?
LA: Oui! Absolument! Enfin; ce n’est pas la responsabilité des visiteurs, mais ce qui m’agace, c’est la politique du salon… les fameux coupons-rabais. Les visiteurs sont toujours très heureux de les utiliser ici, et nous on est toujours les gros méchants qui disent: On ne les accepte pas. Mais quand on leur explique, quand ils voient effectivement que nos livres ne sont pas chers sans que l’on ait à leur faire un rabais en plus, les gens acceptent facilement notre décision. Quand il y a un rabais de un ou deux dollars sur un livre qui en coûte trente ou quarante, ça fait du bien, mais quand le livre ne coûte que douze dollars, bon… C’est mon plus grand irritant par rapport à l’organisation du salon, qui tient à cette politique-là.
FF: En ce qui concerne les visiteurs, peu importe les salons, je veux seulement dire: Nous n’acceptons pas les manuscrits aux salons du livre. Nous ne voulons pas entendre l’histoire.
LA: Mais ça, c’est moins les visiteurs que les auteurs. C’est tout à fait correct qu’ils magasinent une maison d’édition au salon, c’est le lieu où le faire. Mais ce n’est pas l’endroit où traîner son manuscrit.
FF: On leur donne un catalogue, et on les réfère au site Internet: Toutes les informations nécessaires sont là.
Et c’est tout pour Alire, avec mes remerciements à Louise et Fred pour tant de candeur.
J’ai également profité de cette première visite pour faire une toute petite entrevue avec Claude Bolduc, mais vous devrez attendre à demain pour en lire la retranscription. Patience…
Pour plusieurs personnes, le samedi est la journée du Salon du Livre de l’Outaouais. C’est à ce moment qu’on y retrouve le plus de visiteurs, le plus d’auteurs et de plus d’activité. Entre les foules…
…il y a des discussions sur la grande scène…
…et d’autres foules.
À l’intérieur du salon, les allées déjà petites sont fréquemment devenues impassables et la température a atteint des niveaux tropicaux. (Ce qui reflétait bien la météo très clémente qui régnait sur l’Outaouais aujourd’hui.)
Mais peu importe: Fractale Framboise a fait fi des foules et vous a récolté des entrevues avec Jacques Côté, Guy Sirois, Serena Gentilhomme, Pierre-Luc Lafrance, Laurent McAllister et Alexandre Lemieux. Au cours des prochains jours, attendez-vous donc à lire les retranscriptions de ces entretiens. Vous connaissez déjà les questions (que nous avons étrennées avec Claude Bolduc), mais ce sont les réponses qui vous tiendront en haleine, bien sûr…
(Aussi bien préciser dès maintenant que les propos des auteurs n’engagent qu’eux, et non les auteurs de Fractale Framboise. Êtes-vous intrigués, maintenant?)
Lors de notre première visite au Salon du Livre de l’Outaouais, nous avons profité de l’occasion pour réaliser une courte entrevue avec un Claude Bolduc au regard méfiant.
Bolduc, bien sûr, est l’éminence pas-si-grise de la littérature fantastique en Outaouais. En plus d’une longue série de nouvelles, on lui doit quatre anthologies et neuf romans jeunesse. Les plus futés auront remarqué qu’un certain “Claude” commente parfois sur Fractale Framboise: est-ce une simple coïncidence abominable? Allez donc jeter un coup d’œil à son site officiel pour en savoir plus!
Alors donc, la retranscription:
Pourquoi les lecteurs devraient-ils se procurer ton livre plutôt que celui d’un autre auteur?
Parce qu’en achetant, par exemple, ce livre-ci [Les Yeux Troubles], ils ont accès aux fantasmes les plus inavouables de Claude Bolduc. Chose qu’ils ne peuvent retrouver nulle part ailleurs.
Est-ce que ton livre a des qualités sociales ou médicinales?
Oui, et ça rejoint quelque chose que j’ai déjà dit: Quand on se sent mal, quand on a l’impression d’avoir l’univers tout entier contre soi, quand on est aussi misérable qu’un petit chien battu, ça fait du bien de lire une histoire ou ça va encore plus mal pour quelqu’un d’autre.
Quelle place ce livre-ci occupe-il dans tes plans de domination mondiale?
Il est aux premières loges, évidemment: Il s’agit de mon bouclier et de ma figure de proue. Et deuxièmement, comme piédestal, ça me donne une grandeur raisonnable.
Quel traumatisme tente-tu d’infliger à toute la population canadienne avec ce livre?
J’aimerais beaucoup faire blanchir les cheveux de tout le monde. Question de me sentir moins seul. [Dit-il en montrant ses tempes pas-si-grisonnantes]
Pourquoi n’y a-t-il pas plus de framboises dans tes livres?
Parce que ma mère, quand j’étais petit, m’a tellement achalée, avec mange des fruits, mange des légumes –et elle continue— que j’ai développé une sorte de résistance au plus profond de moi-même. J’en mange quand même, en cachette, mais je n’en fait pas la promotion parce que j’ai peur que les gens me perçoivent comme moi je percevait ma mère quand elle me forçait à en manger.
Si un groupe quelconque doit condamner ton livre et te désigner comme hérétique, lequel préfèrerait-tu?
Les monégasques. Parce qu’ils sont très peu nombreux.
(Troisième dans une série d’entrevues réalisées au Salon du Livre de l’Outaouais 2006.)
Routier de longue date en SFQ, Guy Sirois est connu comme auteur (sous son nom, ou avec Jean Dion en tant que “Michel Martin”), critique, essayiste, anthologiste (Transes Lucides) et commentateur éclairé sur la SF d’ici et d’ailleurs, des pulps à aujourd’hui. Ses deux derniers romans sont Un Voyage de Sagesse et Horizons blancs, tous deux chez Médiaspaul.
Pourquoi les lecteurs devraient-ils se procurer vos livres plutôt que ceux d’un autre auteur?
Parce que… je suis seul à les avoir écrit? Les prochains que je pourrais publier seront aussi mes œuvres à moi. Personne n’est semblable, personne n’est pareil! Je suis unique, -malgré ma modestie- j’en suis bien conscient. Unique dans l’univers, dans l’histoire de l’univers! On ne me répètera jamais! Ceci dit, est-ce que les livres eux-mêmes sont bons? Je crois qu’on peu les trouver bon, qu’on peut les trouver moins bon, selon ce que l’on préfère, ce que l’on aime.
Est-ce que vos livres ont des qualités sociales ou médicinales?
Je crois qu’ils ont une valeur morale. C’est d’ailleurs le projet: J’ai toujours eu une intention morale en écrivant mes livres. Pas autant pour instruire la jeune génération qu’à l’amener à penser aux divers problèmes qui sont introduits dans mes bouquins.
Quelle place vos livres occupent-il dans vos plans de domination mondiale?
Disons que -étant modeste- je ne crois pas pouvoir conquérir la planète avec mes livres. Par contre, si on compare avec mes activités professionnelles, j’ai l’impression que mes livres auront une plus grande influence… toute petite qu’elle soit!
Quel traumatisme tentez-vous d’infliger à toute la population canadienne avec ce livre?
De les faire attendre… la fin ou la suite.
Puisque ceci est une entrevue avec Fractale-Framboise, nous devons demander: Pourquoi n’y a-t-il pas plus de framboises dans votre fiction?
En général, parce que dans les milieux que je décris, il n’y a plus de framboise. C’est le problème. Il y en a eu, mais… C’est un leçon cautionnaire, évidemment: Voulez-vous des framboises? Ou voulez vous que les framboises disparaissent? Choisissez.
Si un groupe quelconque doit condamner vos livres et vous désigner comme hérétique, lequel préfériez-vous?
Le parti Libéral?
(Deuxième dans une série d’entrevues réalisées au Salon du Livre de l’Outaouais 2006.)
Jacques Côté est déjà un des auteurs de polar les plus en vue du Québec. Après un début fracassant en 1998 avec Nébulosité croissante en fin de journée, il récidive en 2002 avec Le Rouge idéal, qui lui vaudra le prix Arthur Ellis du meilleur roman. Ce succès est suivi par Wilfrid Derome, expert en homicides, une biographie d’une figure marquante en sciences judiciaires. Son tout dernier livre est La Rive noire, publié chez Alire en 2005.
Pourquoi les lecteurs devraient-ils se procurer vos livres plutôt que ceux d’un autre auteur?
Parce que ça va me permettre, un jour, d’être indépendant et de ne plus aller travailler comme professeur de littérature. Parce que mes lecteurs me demandent à quand le prochain: alors plus je vais vendre de livres, plus je vais pouvoir en écrire. Ça me satisfait moi d’abord parce qu’écrire, c’est ce que j’aime le plus faire dans la vie. C’est une des activités qui me procure le plus de plaisir et c’est certain que j’aimerais en faire mon gagne-pain. J’aimerais vous dire que les lecteurs devraient se procurer mes livres parce qu’ils sont les meilleurs, c’est clair et net, mais je n’ai pas cette prétention là: je ne pense pas être le meilleur, mais je pense faire de la bonne littérature policière.
Est-ce que vos livres ont des qualités sociales ou médicinales?
Je sais qu’ils ont fait faire bien des cauchemars à des lectrices, notamment Nébulosité croissante en fin de journée, donc pour les gens qui ne rêvent jamais, c’est peut-être l’occasion de retrouver la faculté de rêver ou de faire des cauchemars. Je crois aussi que, habituellement, les gens qui achètent mes livres les lisent jusqu’à la fin. Ce sont quand même des livres de 350-400-450 pages, alors pendant qu’ils font ça, ils ne pensent pas à autre chose et ont moins de soucis.
Quelle place vos livres occupent-il dans vos plans de domination mondiale?
Je ne suis pas encore au stade de la mondialisation. Pour l’instant, je vais commencer par conquérir le marché québécois: commençons localement. Mais déjà je ne suis pas très loin d’Ottawa aujourd’hui, c’est pas si mal: j’ai vendu des livres à gens d’Ottawa qui ont traversés le canal Rideau, la rivière Outaouais pour me voir. Cette année, j’ai aussi vendu cinq Deromes en France, alors c’est déjà quelque chose. Je devrais peut-être finir par conquérir le marché français.
Quel traumatisme tentez-vous d’infliger à toute la population canadienne avec ce livre?
Je pense que mon prochain essai, intitulé Salut l’indépendance -qui n’est pas une histoire, pas un roman policier- pourrait causer des traumatismes à certains fédéralistes canadiens même si moi je suis un indépendantiste qui prône une ouverture sur le monde, pas vraiment un nationalisme d’exclusion. D’ailleurs le mot nationaliste m’écoeure, je suis plutôt un indépendantiste rationnel. Peut-être que ce livre-là pourrait causer quelques maux de tête mais en même temps c’est n’est pas un livre anti-canadien, au contraire. (…) Mon but n’est pas de convaincre quiconque de devenir indépendantiste, loin de là, mais en même temps j’écris des textes sur la politique canadienne, des textes que j’ai commencé à écrire en 1991, jusqu’en 2006: [Salut l’indépendance] est un peu mon parcours d’histoire politique québécoise et canadienne, du couple Canada/Québec. On y trouve des récits, des opinions, une partie de mon journal. Mais en toute amitié, ce n’est pas un livre plein de ressentiment. Bien sûr, il y a des gens qui y passent au cash, ceux qui nous volent. Pour moi, le scandale des commandites, c’est quelque chose qui m’a beaucoup dérangé. De voir qu’on avait pu vouloir nous berner de manière aussi stupide… (…) Peut-être que ce livre-la va déranger. J’espère que non, j’espère ne pas perdre des lecteurs à cause de ça, mais comme vous voyez, moi, ce n’est pas de ne pas déplaire nécessairement, j’écris ce dont j’ai envie. Je ne sais pas si les auteurs de polar vont aimer, mais il y a peut-être d’autres individus qui vont apprécier ce type de littérature.
Puisque ceci est une entrevue avec Fractale-Framboise, nous devons demander: Pourquoi n’y a-t-il pas plus de framboises dans votre fiction?
Est-ce que qu’il y en a des framboises? Est-ce que tu as tout lu, est-ce que tu es sûr de ton coup? J’essaierai peut-être d’y remédier, peut-être dans le prochain. Un sundae framboise au curare, ça pourrait être intéressant pour cacher le crime.
Si un groupe quelconque doit condamner ton livre et te désigner comme hérétique, lequel préfèrerait-tu?
Des extrémistes de droite, des radicaux d’Al Quaeda, des extrémistes religieux. Si ces gens voudraient me détester pour des propos que je tenais contre eux, je serais fier. Parce que ces gens, il faut les dénigrer, autant qu’on peut. Il y a beaucoup de gens présentement qui se taisent parce qu’ils ont peur d’individus comme eux mais dans mon dernier roman il est question d’extrémisme religieux. Je vis très mal avec l’extrémisme religieux, ayant été élevé chez les religieuses. Très jeune, comme pensionnaire, j’ai pas mal décroché de la religion à ce moment-là. Ce qui est dommage, parce que comme bien d’autre gens, rendu à mon age, on est tous sur un rêve, on espère la grande rencontre avec Dieu… cette rencontre la n’est pas encore venue. Je pense que tout ce passé religieux derrière moi ne m’aide pas, justement, à faire cette rencontre avec Dieu. Peut-être plus tard, mais pas pour l’instant.
(Cinquième dans une série d’entrevues réalisées au Salon du Livre de l’Outaouais 2006)
Pierre-Luc Lafrance est une des vedettes montantes de la SFQ: Toujours à quelques années de sa trentaine, il cumule les diplômes et écrit à un rythme époustouflant. Sa feuille de route compte déjà, entre autres choses, un passage d’un an aux éditions Alire et quelques numéros du fanzine Ailleurs. La dernière fois que nous avons regardé sa bibliographie, il y a cinq minutes, ses romans étaient Y a-t-il un héros dans la salle? (2004) et Princesse à enlever (2005) chez Soulières, ainsi que Le pays des yeux-morts (2005) chez Médiaspaul. Une bibliographie complète se trouve sur son site officiel.
Pourquoi les lecteurs devraient-ils se procurer tes livres plutôt que ceux d’un autre auteur?
Parce que mes livres ont une personnalité, parce que ce n’a pas été une création spontanée, du genre Bon, la fantasy est un genre populaire, alors je vais en écrire même si je ne m’y connais pas. Des romans humoristiques comme Princesse à Enlever et Y’a-t-il un héros dans la salle?, jusqu’à preuve du contraire, je n’en connaîs pas d’équivalents au Québec. Il y a de la fantasy humoristique qui se fait ailleurs dans le monde, mais je pense qu’il s’agit de romans qui sont typiquement québécois, avec des référents culturels spécifiques. Pour ce qui est du Pays de Yeux noirs, c’est un roman de fantasy urbaine avec une création d’univers parallèle à l’intérieur de la ville de Québec. Je pense que ça a son intérêt.
Est-ce que tes livres ont des qualités sociales ou médicinales?
Oui, c’est certain. D’ailleurs, quelqu’un me disait qu’il pilonnait mes livres pour en mettre un peu dans son pablum et cela a empêché des coliques chez son enfant.
Quelle place tes livres occupent-il dans tes plans de domination mondiale?
Je ne pensais pas que quelqu’un l’avait deviné, mais je pense que c’est important d’abrutir la masse et c’est pourquoi il y a des messages subliminaux à l’intérieur de mes livres pour l’abrutir encore plus. Malheureusement, ça s’est retourné contre moi, avec comme résultat que les Amos Daragon vendent encore plus.
Quel traumatisme tente-tu d’infliger à toute la population canadienne avec ta fiction?
Soyons honnête: je ne crois pas qu’il est possible d’infliger plus de traumatismes à la population canadienne. Le but, c’est plutôt d’en rajouter aux autres populations afin qu’on devienne tous des citoyens canadiens, c’est-à-dire qu’on continue à se faire [*****] de tout bords tout côtés et qu’on en redemande encore. C’est pour cette raison que Y’a-t-il un héros dans la salle? sera bientôt traduit en Espagne et y paraîtra plus tard cette année afin de rendre les espagnols aussi canadiens que nous.
Puisque ceci est une entrevue avec Fractale-Framboise, je dois demander: Pourquoi n’y a-t-il pas plus de framboises dans ta fiction?
C’est à cause de mon directeur littéraire. À l’origine, mon personnage ne s’appelait pas Cochon mais bien Framboise. Sauf qu’il y a un gros lobby de l’industrie de la framboise qui a jugé que ça n’allait pas projeter une bonne image de la framboise. J’ai donc eu deux choix: soit l’appeler Cochon parce que le lobby porcin n’est pas très fort, soit le transformer en héros positif avec des valeurs canadiennes que l’on pourrait transmettre partout dans le monde. Ce qui, bien sûr, m’était impossible.
Si un groupe quelconque doit condamner tes histoires et te désigner comme hérétique, lequel préférait-tu?
L’association des zéros héros amateurs. Un nouveau groupe, où on y retrouve des gens exceptionnels qui ont, entre autre, sauvés de chats dans un arbre après les y avoir préalablement mis dans l’arbre pour les sauver. J’aimerais bien avoir des problèmes avec eux.
(Quatrième dans une série d’entrevues réalisées au Salon du Livre de l’Outaouais 2006)
Native de Florence et habitante de Besançon, Serena Gentilhomme est pratiquement une membre à part entière de la SFQ étant donné ses nombreuses présences au congrès Boréal et ses fréquentes contributions aux revues d’ici. Nouvelliste, anthologiste (Âmes Sœur), critique (Québec Français 139), enseignante experte en cinéma d’horreur italien (entre autres), elle partage peut-être également quelques liens de parenté avec la mystérieuse “Serena” qui commente parfois sur Fractale Framboise. Ses deux derniers romans sont Villa Bini et Les Nuits Étrusques.
Pourquoi les lecteurs devraient-ils se procurer vos livres plutôt que ceux d’un autre auteur?
Mais c’est ce que je me demande! Il vaudrait mieux qu’ils achètent, peut-être, les livres d’autres personnes. Ou alors les miens, parce ce qu’ils veulent lire de l’horreur qui a des décors un peu différents, comme Florence, ou bien des allusions à des auteurs, à des mondes qui ne se retrouvent pas souvent en cette littérature, comme la Divine Comédie.
Est-ce que vos livres ont des qualités sociales ou médicinales?
Médicinale, je ne sais pas, sinon que ça peut empoisonner à long terme. Mais sociale, oui: le texte “Onction Extrême” parus dans Petites danses de Macabré est d’un engagement social certain.
Quelle place vos livres occupent-il dans vos plans de domination mondiale?
Tellement infime que je ne saurais l’identifier.
Quel traumatisme tentez-vous d’infliger à toute la population canadienne avec votre fiction?
Ce n’est pas possible: Avec son tirage très limité, je crois même épuisé, je ne crois pas que ça sera un fléau.
Puisque ceci est une entrevue avec Fractale-Framboise, nous devons demander: Pourquoi n’y a-t-il pas plus de framboises dans votre fiction?
Mais c’est ce que je vais m’empresser de corriger dans le prochain. J’y mettrai des fractales, des framboises, des framboise et des fractales et… quelques myrtilles.
Si un groupe quelconque doit condamner vos histoires et vous désigner comme hérétique, lequel préfériez-vous?
Le gouvernement de Berlusconi.
(Septième et dernière dans une série d’entrevues réalisées au Salon du Livre de l’Outaouais 2006)
Alexandre Lemieux se décrit comme “geek, artiste et auteur”, une description tout à fait confirmée par son blog, une lecture essentielle pour tous les amateurs de SFQ. Ingénieur certifié, il est constamment à cinq minutes de l’onde de choc technologique et possède un site web d’une sophistication à faire pâlir d’envie l’équipe de Fractale Framboise. Depuis quelques mois, il podcaste régulièrement et a ainsi profité du Salon du Livre de l’Outaouais pour mener des entrevues avec des auteurs de SF. Sa nouvelle “Retouche sur le futur” est parue dans Solaris 155.
[Note: Cette entrevue, qui s’est déroulée sous les regards perçants de Laurent McAllister, a été doublement enregistré, et sera corroborée, si nécessaire, par Alexandre lui-même.]
Pourquoi les lecteurs devraient-ils lire ton blog plutôt n’importe quel autre?
Aucune raison, ce qui est le problème que tous les bloggeurs ont: Il y en a tellement que, bon… Moi c’est périodique: je vais découvrir un blog et le lire pendant un moment: c’est en rotation. Si quelqu’un tombe sur mon site et que ça peut l’intéresser pendant quelque temps, tant mieux. Ce qui va bien vieillir [sur mon blog], c’est le côté critiques de livres. Le reste, c’est du spontané: je ne suis pas certain que dans cinq ans, ça faudra la peine de lire cela.
Est-ce que ton blog a des qualités sociales ou médicinales?
Très peu. Peut-être pour tuer le temps libre, si on en a trop. Peut-être quelques blagues absurdes de temps en temps, pour démontrer les bienfaits du rire. Sinon, je me tiens loin des sujets médicaux.
Quelle place ton blog occupe-t-il dans tes plans de domination mondiale?
Évidemment, quand je me suis procuré le nom de domaine fortrel.net, c’était la première étape dans mon plan de domination mondiale, plans qui –avec une femme et une enfant- ont été mis sur une tablette jusqu’à, peut-être, une vie ultérieure.
Quel traumatisme tente-tu d’infliger à toute la population canadienne avec ton blog?
J’essaie de rendre le gens les moins productifs que possible. En écrivant le plus de billets insensés et ridicules, les gens passent plus de temps sur mon blog et oublient de payer leur facture d’électricité ou d’aller faire l’épicerie.
Puisque ceci est une entrevue avec Fractale-Framboise, nous devons demander: Pourquoi n’y a-t-il pas plus de framboises sur ton blog?
Je ne sais pas d’où vient cette attaque soudaine: Je fais régulièrement des liens à votre site! Je suis outré!
Si un groupe quelconque doit condamner ton blog et te désigner comme hérétique, lequel préfèrerait-tu?
Il y a sûrement un club de macramé extrême à Gatineau qui doit compter moins que vingt personnes: Ça me suffirait.
(Sixième dans une série d’entrevues réalisées au Salon du Livre de l’Outaouais 2006)
Qui est Laurent McAllister? Un être à deux cerveaux, un double docteur ou un serial pseudonyme? Chose certaine, on ne peut nier son œuvre: grâce à plusieurs nouvelles de SF et une série de fantasy pour jeunes, McAllister a été finaliste aux Prix Auroras Awards et au GPSFFQ, en plus d’avoir reçu un prix Boréal en 2002 pour Le messager des orages. Ses deux derniers romans sont Sur le chemin des tornades et Le maître des bourrasques, tous deux chez Médiaspaul. On le dit inséparable d’Yves Meynard et Jean-Louis Trudel.
Pourquoi les lecteurs devraient-ils se procurer vos livres plutôt que ceux d’un autre auteur?
LMM: D’abord, parce qu’ils sont les meilleurs.
Dans le premier 50%?
LMM: Non, dans le premier 10%. (…) Blague à part, je pense que l’on écrit dans l’espoir d’être lu, et savoir que l’on rejoint un public qui prend plaisir à ce que l’on écrit, c’est important pour nous en tant qu’auteurs. Nous ne voudrions pas écrire sans avoir de lecteurs, c’est comme prêcher dans le désert: vaut mieux se taire.
Est-ce que vos livres ont des qualités sociales ou médicinales?
LTM: Absolument! Nous écrivons de la littérature édifiante. Alors qu’il y a beaucoup d’auteurs qui se promènent en disant que leurs ouvrages montrent aux gens comment réaliser leur rêves, comment persévérer et surmonter les obstacles, nous montrons absolument le contraire: Tous les rêves ne se réalisent pas. Par exemple, [notre protagoniste] Petrel a embarqué dans un grand voyage d’une inutilité complète et il termine le troisième tome à bout d’espoir. Ceci est très important parce que ça démontre au jeune lecteur qu’il faut savoir survivre à la mort de nos rêves.
LMM: D’autant plus que dans la société où on est, il est de plus en plus difficile d’espérer réaliser quoi que ce soit. Il faut donc se préparer à la médiocrité future de sa vie adulte.
Quelle place vos livres occupent-il dans vos plans de domination mondiale?
LMM: Celle d’une cinquième colonne. On commence par pervertir et corrompre la jeunesse. Et, une fois que ces gens sont en place et acquis à nos vues, on peut penser donner le signal d’un soulèvement généralisé.
Quel traumatisme tentez-vous d’infliger à toute la population canadienne avec votre fiction?
LMM: D’abord, le multiculturalisme de Zodiaque est aussi indéniable qu’insupportable, ce qui, je pense, correspond beaucoup à la réalité canadienne. Mais en plus, c’est écrit en français même si c’est tellement bon que ça devrait être écrit en anglais. Je crois que ce traumatisme là, déjà, est capable de déstabiliser l’industrie du livre.
LTM: Non seulement est-ce écrit en français, mais c’est écrit en bon français. Je pense que, dans le Québec et ou le Canada francophone d’aujourd’hui, ceci peut être extrêmement traumatisant pour tous les lecteurs, tous les acheteurs de livre qui se sentiront extrêmement inadéquats.
Puisque ceci est une entrevue avec Fractale-Framboise, nous devons demander: Pourquoi n’y a-t-il pas plus de framboises dans votre fiction?
LTM: Parce que l’on ne nous l’a pas encore demandé.
LMM: Sauf que l’expression product placement, n’est-ce pas, implique un paiement et d’habitude, qui dit paiement dit à-valoir-
LTM: Ce serait effectivement plus convaincant si-
[Bruit d’argent glissé sur la table]
LTM: Il y aura donc une framboise. Cinquante sous achètent une framboise. Pour un framboisier, il faudra y mettre un peu plus d’argent.
Si un groupe quelconque doit condamner vos histoires et vous désigner comme hérétique, lequel préfériez-vous?
LMM: Cela pourrait être les fondamentalistes chrétiens, mais ceux-là sont typiquement associés aux américains. Pour quelque chose de québécois, ce pourrait être les Bérets Blancs parce que, après tout, il y a des démons à profusion dans notre série: On parle de Moloch, on parle de Mardouk. J’ai fait des recherches démonologiques sur le web pour notre fiction et je crois donc qu’en tant qu’agent des forces démoniaques, on représente tout ce que les Bérets Blancs détestent. J’aimerais beaucoup que Gilberte Côté-Mercier, si elle est encore de ce monde, nous dénonce en première page de Vers Demain, Ça me rendrait immensément heureux.
LTM: Ou bien encore les Raéliens. Vu leur croyances en les vertus de l’amour libre, il serait sans doute horriblement offensant pour eux de constater que dans cet ouvrage, il n’y ai pas une scène d’amour, pas une scène de sexe et pas même un sein nu au bout rouge comme une framboise.