Congres 2007: Wiscon 31
De: ”Christian Sauve” (—@—.ca)
À: ”Elisabeth Vonarburg” (—@—.com)
Sujet: Wiscon 31
Bonjour Élisabeth, (Oh invitée d’honneur de Wiscon 25 (2001) et Wiscon 30 (2006)!)
Je sais, je sais: je t’ai promis un «long, long courriel» au sujet de Wiscon 31 il y a des semaines. L’ennui avec les longues conventions, c’est qu’il faut s’y préparer, les vivre et ensuite revenir à la vie normale. Ce qui, dans le cas de Wiscon, est un cheminement bien plus intense que les autres congrès de SF. Franchement, j’en attendais pas moins du «plus grand congrès de science fiction féministe au monde».
J’avais au départ l’intention de t’écrire en privé, puis de ressasser mes impressions de Wiscon une autre fois pour un rapport en bonne et due forme sur Fractale Framboise. En y repensant et en considérant la courte fenêtre de temps libre à ma disposition, j’ai préféré faire d’une pierre deux coups et de combiner les deux. Si rien d’autre, ça donnera un rapport un peu plus candide aux lecteurs du blog.
Même des semaines après Wiscon 31 (25 au 28 mai 2007), je reste curieusement affecté par l’expérience. Si j’ai été un peu déçu par Wiscon alors que j’y étais, je dois dire que le congrès s’améliore rétroactivement ans mon esprit: plusieurs des choses qui semblaient anodines là-bas deviennent extraordinaire dans le rétroviseur. Wiscon remet également tant de certitudes en doutes que même un homme avec les meilleures intentions doit passer un peu de temps à réfléchir sur les discussions de la fin de semaine, au risque de devoir modifier sa vision du monde.
Pendant des années, tu m’as répété que j’étais «presque prêt pour Wiscon». Il y a deux ans (Boréal 2005?), tu avais réévalué mon aptitude et déclaré que je devais aller à Wiscon. Sur ce sujet, tu avais raison: je me serais royalement emmerdé à Wiscon il y a quelques années, et je peux entrevoir pourquoi ce congrès, plus que d’autres, demande beaucoup à ses congressistes: non seulement l’expérience est-elle intellectuellement exigeante, mais il faut également y aller avec une certaine maturité émotionnelle —ce qui n’est pas donné à tout le monde tout le temps. L’expression «convention de SF féministe» en rebutera plus d’un(e). (Pour citer quelques ami(e)s mis(e) au courant de mes plans: «Pourquoi veux-tu aller là-bas?»)
Pourquoi?
Je suis parti à Wiscon pour plus d’une raison. Ayant décidé de ne pas aller à la Worldcon 2007 au Japon, cela libérait argent et jours de vacances pour un gros congrès américain en territoire inconnu. Chicago et Wiscon étant sur ma longue liste de choses à découvrir, mes plans se sont graduellement précisé: Avion d’Ottawa à Chicago (deux heures), un peu de tourisme, autobus de Chicago à Madison (trois heures), Wiscon et retour à la maison de la même façon. Mon voyage-tourisme de l’année. (Désolé si je n’ai pas pu participer à tes plans d’amener un contingent de la SFQ là-bas en road trip.)
Évidemment, un plan n’est pas une motivation. «Pourquoi», effectivement, «vouloir aller là bas?» La SF féministe, après tout, ne fait pas spécifiquement partie de mes champs d’intérêt. J’ai lu une bonne partie des auteures et des œuvres marquantes, mais habituellement juste assez pour compléter mes lectures canoniques en SF et me dire que ce n’était manifestement pas un domaine pour moi. Connaître les classiques n’est pas non plus la même chose que de connaître les auteures présentement actives ou bien celles qui, par la mid-list, composent l’essentiel du genre. Je suis allé à Wiscon en sachant fort bien qu’il s’agirait d’un fandom, d’un corpus et d’un groupe d’auteures assez différentes de ce à quoi je suis habitué.
Mais la réputation de Wiscon est imbattable chez les fans sérieux du genre. Une convention régionale, loin des aéroports internationaux, qui attire les fans tellement aisément qu’elle doit imposer une limite de mille congressistes? À chaque Wiscon, la blogosphère s’emballe, les rapports de congrès fusent et des douzaines de personnes déclarent sans sourciller qu’il s’agit de «la meilleure convention au monde». Rien de moins. Avec Readercon, Wiscon est un des deux congrès ultra-littéraires du monde de la SF: je connaissait déjà Readercon, il fallait bien mettre les pieds à Wiscon un de ces jours.
Et puis, même si mon intérêt spécifique pour la SF féministe est mineur, tu sais que je m’intéresse de plus en plus à la portée sociale de la SF en général, à la capacité de présenter et représenter une société plus juste, plus équitable, plus confortable pour tous et toutes. Wiscon, depuis quelques années, ne fait pas que privilégier les enjeux de sexe, mais aussi de race, de classe et d’identité… Ceci, plus que la stricte emphase sur le féminisme, était ce qui m’intéressait dans l’idée d’une Wiscon: Une «porte en forme de SF» pour discuter d’enjeux sociaux beaucoup plus larges.
Ce à quoi s’ajoutait une intention bien réelle d’aliénation intentionnelle. Pour être tout à fait honnête, le «congrès de SF moyen» m’ennuie un peu: les mêmes discussions, les mêmes personnes (aussi sympathiques soient-elles), les mêmes codes faniques. Bah; donnez-moi quelque chose de différent, s’il vous plait. Tant pis si il fallait assister au congrès comme un touriste ou un observateur: après des événements tels la World Horror Convention, je n’ai rien contre l’idée d’être plongé dans un milieu légèrement différent, même s’il ne s’adresse pas spécifiquement à mes intérêts.
Et finalement, il y avait l’occasion d’aller passer un peu de temps à Chicago, une de mes destinations cibles dans mon projet continu de visiter les métropoles américaines. Je ne t’en dirai pas beaucoup plus sur Chicago elle-même: si ça t’intéresse, il y a des photos sur mon site web, et les commentaires suivront d’ici peu. (Le temps, toujours le temps…)
Madison, Wisconsin
Madison, en revanche, est autre chose: c’est une petite grande ville (200-300,000 personnes), capitale d’un état modeste et cité universitaire (40,000 étudiants). Il s’agit d’une ville inusitée, relativement bien éduqué et libérale, à la géographie dominé par un isthme entre deux lacs, au sommet duquel trône le capitole du Wisconsin. Fort confortable comme ville: civilisée, intellectuelle, et on n’a pas loin à marcher pour tomber sur un des innombrables parcs ou plans d’eau. (“In Madison, there’s always a lake between where you are and where you want to go.” disait à la blague un des habitants de la ville en discussion.)
Comme tout le monde, j’ai passé beaucoup de temps sur State Street entre le Capitole et le Campus de l’Université du Wisconsin.
Je n’ai pas eu l’occasion d’aller à beaucoup de restaurants, mais j’ai tout de même eu l’occasion de souper avec Gaby et ses amis à un buffet asiatique en périphérie de la ville (excellent repas), de dîner avec Gaby au restaurant de l’hôtel après le congrès (correct… pour un restaurant d’hôtel), et d’essayer seul le restaurant indien le plus près du capitole (décevant). Pour le reste, c’est le Capitol Centre Food et le Subway sur State Street qui m’ont fourni ce que j’avais besoin en matière de nourriture. N’ayant pas accès à ma cuisine habituelle, j’ai préféré ne rien acheter au légendaire ”Farmer’s Market” qui a entoure le capitole samedi matin, mais j’y ai jeté un long coup d’œil.
En matière d’hôtel, je n’ai pas eu l’occasion de réserver une chambre à l’hôtel où se déroulait le congrès: Le Concourse s’est vendu rapidement pour 2007, et 2008 ne sera pas différent: Déjà le lundi midi du congrès, toutes les chambres sur l’étage primé de l’hôtel (le «Governor’s Club») étaient vendues pour l’an prochain. Non, j’ai dû prendre une chambre au Best Western à trois blocs de là, ce qui ne s’est pas avéré un sacrifice: Étant arrivé tard à Madison suite à des conséquences de tempête, on m’a donné un des dernières chambres disponibles: une vaste suite au dernier étage! (Comme tu le sais, les vols aériens entre Chicago et Madison sont souvent infernaux, et cette année ne fit pas exception: Une tempête ayant forcé l’annulation de tous les vols à Madison le jeudi, l’autobus sur lequel j’avais réservé mon siège s’est vu redirigé à l’aéroport O’Hare où attendaient 50-75 personnes pour les moindres places en direction de Madison. Tout cela a ajouté une heure au trajet d’autobus.) Disons que les quelques nuits que j’ai passées au Best Western on été d’un confort ridicule. (Surtout si je compare la suite aux chambres beaucoup plus raisonnables que j’ai eu à Chicago!)
Wiscon 31 en général
Mais bon: tu commence sans doute à t’impatienter et vouloir tout lire au sujet du congrès lui-même. Wiscon 31 était, évidemment, «le congrès après celui du trentième anniversaire»: les organisateurs n’espéraient pas autant d’intérêt cette année, mais ils ont eu tort. Tu as sans doute déjà lu que le congrès a atteint, pour une deuxième année de suite, sa limite de 1000 participant(e)s: Ce que tu ne sais peut-être pas sans avoir lu le bulletin du congrès, c’est la répartition géographique de ces mille personnes. À peine 250 personnes étaient du Wisconsin lui-même; seulement la moitié étaient «à distance d’automobile», en ajoutant les deux états avoisinants (Illinois et Minnesota). L’autre moitié, près de 500 personnes, a dû faire un effort substantiel pour se rendre à Madison.
Ces chiffres suggèrent un intérêt et une fidélisation extraordinaire à Wiscon. Déjà, la limite de mille congressistes suggère que Wiscon est une des plus grandes conventions de SF strictement littéraire de la sphère anglo-saxonne. Wiscon ne s’adresse déjà plus à ceux qui peuvent simplement conduire au congrès: Des gens à travers le monde décident consciemment de voyager sur le longues distances pour se rendre à l’événement. Les chiffres confirment la réputation de Wiscon et annoncent le caractère unique de l’événement. Mieux encore: Wiscon a réussi à faire tout cela en se forgeant sa propre identité distinctive des autres congrès du circuit fanique. Ça me suggère que le succès de Wiscon a lieu de manière indépendante au fandom SF général; ça indique aussi que Wiscon continuera à profiter d’un tel succès pour un bon moment: alors que les autres congrès perdent des plumes pour plusieurs raisons, Wiscon a trouvé sa raison d’être et remplit manifestement un besoin criant. (Ça apporte aussi de l’eau au moulin de ma théorie selon laquelle les congrès SF devront se forger des identités autres que «la convention de telle région» pour survivre: Est-ce que les gens d’Ad Astra prennent des notes?)
Cette culture propre à Wiscon est définitivement l’attrait principal du congrès. Je suis quelqu’un qui va surtout aux événements mis au programme, mais la discussion à ces événements est dictée par ce qui se déroule dans les corridors du congrès lui-même. J’ai entendu à de nombreuse reprises des références au «safe space» («Espace sécuritaire»?) offert par Wiscon: le congrès, pour plusieurs de celles qui y assistent, est un espace où, finalement, elles n’ont pas à expliquer, justifier ou défendre le fait qu’elles sont féministes, libérales, progressistes ou bien démocrates. Cela donne aux discussions un point de départ plus sophistiqué qu’à des congrès généraliste: une fois que l’on a établi que tous dans la salle sont sur la même longueur d’onde, il est plus simple d’aller explorer des enjeux plus précis, plus spécialisés. Loin au-delà l’éternelle table ronde sur «la SF féministe» aux congrès généraux, Wiscon a le luxe d’aborder des aspect spécifiques de cette question. Quelques thèmes tirés de l’horaire de Wiscon 31: Jeunes filles en SF, féminisme japonais, «alliés masculins», etc.
Programmation
Hélas, j’attendais peut-être un peu trop de choses de la programmation de Wiscon. Le désenchantement que j’ai initialement ressenti m’a un peu rappelé ma réaction à Torcon3: Si le niveau de discussion était habituellement plus élevé qu’aux congrès moyens, il n’était pas transcendant, ni toujours adéquat: Deux table rondes auxquelles j’ai assisté ont fini par se terminer en queue de poisson: Une discussion sur les œuvres recommandé par le comité Tiptree s’est terminé après 48 minutes remplies de silences inconfortables: un des deux panélistes n’ayant pas pu se rendre à l’événement, la modératrice restante s’est rapidement rendue compte que l’audience n’avait pas lu grand-chose de la liste, et qu’elle-même n’avait pas réussi à tout lire. Oups. Une autre table ronde a été sabordée après 45 minutes par les panélistes quand elles se sont entendues qu’il n’y avait plus rien à dire sur le sujet initial de la table ronde. (Cela n’aidait en rien que la modératrice avouait ne rien y comprendre.)
Comme dans n’importe quel congrès, tous les panélistes ne sont pas aussi intéressantes. J’ai fini par quitter une table ronde sur l’horreur après quelques minutes quand on a annoncé l’absence de l’animateur annoncé et que la discussion ne semblait pas s’envoler au-delà de ce que j’avais entendu à la WHC. Mon deuxième choix a été nettement plus judicieux: une bien bonne table ronde sur «ce que les auteurs doivent à leurs lecteurs» avec nul autre qu’Ellen Kushner, Holly Black, Karen Joy Fowler, Eleanor Arnason (?) et Melissa Scott. Wiscon ou pas, une vérité reste universelle: Ce sont les participantes et non le sujet qui font la discussion.
Parfois, les deux coïncident. Ma table ronde préférée de tout le congrès fut sans doute «Genre Tokenism», une méditation sur la place des écrivaines noires en SF après la disparition d’Octavia Butler… en compagnie de cinq écrivaines noire de SF. À ma grande honte, je ne connaissait qu’une seule d’entre elle (K. Tempest Bradford, de par son blog), mais j’en ai rapidement appris beaucoup au sujet des quatre autres participantes. (Nora Jemison, Candra K. Gill, Nnedi Nkemdili Okorafor-Mbahu et Nisi Shawl.) Fusion d’enjeux propres à la nature de la SF et aux revendications raciales, ce panel tout à fait unique à Wiscon (hélas) a réussi à explorer une panoplie d’enjeux, étendre mon horizon conceptuel et suggérer des actions. Mieux encore: la répartition raciale des gens dans l’audience, donnant un aperçu de ce que devrait être un congrès de SF d’aujourd’hui. J’en suis ressorti énergisé, en souhaitant revoir ce genre d’événement plus souvent. (Et, ultimement, que ce genre de chose ne soit plus remarquable.)
Généralement parlant, j’avoue avoir été plus intéressé par les tables rondes portant sur la race et les classes sociales que par les discussions traitant exclusivement de féminisme. Un autre de mes vifs souvenirs de Wiscon a été l’intervention passionnée de Doselle Young (durant la table ronde «personnages multiraciaux») sur le devoir que nous avons tous de s’intéresser à l’entièreté de la culture humaine: Pourquoi se limiter à telle ou telle chose par pur motif culturel ou racial quand il y a tant de choses intéressantes à découvrir? (Ce n’est pas un accident si cette idée s’apparente à ma tirade habituelle sur le thème «ta langue n’est pas ta culture.»)
D’autres discussions qui ont bien fonctionnées furent «Three Comrades on a quest…» (Classes sociales en fantasy typique) et «Tools of her trade» (des panélistes s’identifiant à des métiers manuels discutant des différences entre cols bleus et cols blancs.)
De temps en temps, après une telle diète de responsabilisation sociale, il n’était pas déplaisant de s’éloigner des enjeux purement féministes ou activistes. Je garde un bon souvenir de la table-ronde sur «ce que les auteurs doivent à leurs lecteurs», ou bien la discussion sur «les livres à éviter» parce que justement, à la fin de la discussion, on n’avait pas insisté du tout sur l’aspect féministe du sujet: il n’y avait pas raisons de le faire, et toute la discussion se déroulait entre gens qui s’entendaient déjà pour savoir qu’un livre faisant la promotion de l’inégalité sociale était, par définition, un livre à éviter. (La nature humoristique d’un tel panel a fait le reste en plaisir d’écoute.)
En toutes choses, il y a un équilibre à atteindre, et les table rondes plus réussies ne se fiaient pas exclusivement sur l’approche féministe, mais l’utilisaient comme lentille par laquelle aborder un sujet. Une table ronde sur la surpopulation a pris quelques minutes pour souligner l’aspect pratique du féminisme —plus les femmes peuvent prendre contrôle de leur destinée reproductive, plus il est simple de contrôler l’aspect «consommation» de l’équation environnementaliste. Une autre table ronde sur la modération (très méta en soi) ne s’est pas gênée pour identifier le mode de ”discours” à sens unique qui contamine parfois les discussions machistes, et comment contrecarrer de tels emmerdeurs pour assurer une participation équitable pour tous. De temps en temps, on nous se rappelait que le féminisme n’est pas la promotion d’un sexe par-dessus l’autre, mais d’une lutte pour l’égalité et la justice pour tous: Comme l’a fait remarquer Paula L. Fleming durant la table ronde sur les métiers manuels, l’adoucissement des mœurs ultra-masculines au bureau fait présentement l’affaire de bien des hommes. Parfois, ce sont les panélistes elles-mêmes qui rejetaient l’emphase féministe: La table ronde «Body and Mind», celle-là même où tu étais momentanément inscrite comme panéliste, a évolué en une exploration tout azimut de la fascination de la SF pour la désincarnation, informée du début à la fin par des attitudes féministes, mais ne laissant jamais l’impression de ne porter que sur cette question. Excellent!
Bien sûr, chaque panel ne peut pas être aussi fascinant. De temps en temps, un court détour en territoire bizarroïde me rappelait que Wiscon s’adressait à des gens qui pensent de manière bien différente. Mes présomptions sont parfois très, euh, cartésiennes. Mon exemple «favori» est survenu durant la table ronde sur le tokénisme, quand une des participantes a avancé qu’il était scandaleux de voir la science d’autres cultures être traitée comme de la magie, comme si la science était nécessairement la chasse gardée des hommes occidentaux. (Je te ferai grâce de ma boucle habituelle sur «la science comme mode de vie de remise en question»: tu l’a sans doute déjà entendue, et je l’ai volé de Kim Stanley Robinson de toute façon.) Wiscon n’était pas aussi bizarroïde que mon expérience d’autres lieux communs féministes (un des aspects les plus plaisants du congrès est la densité de geek girls pro-science au panel carré), mais c’était un rappel (parmi tant d’autres durant le congrès) que le mysticisme n’est jamais loin chez certaines personnes sur place… et qu’il y a là un fossé entre ma perception du monde et la leur.
Mais bon: un de mes buts du congrès était de faire taire mon côté contrarien et ne pas faire de vagues. De temps en temps, c’était plus difficile: La table ronde «The President Wears Prada», par exemple, partait d’un énoncé qui questionnait la présomption selon laquelle les femmes au pouvoir seraient nécessairement plus égalitaires que les hommes. (Surtout après les exemples fournis par Margaret Thatcher, Condoleeza Rice, Ann Coulter et al.) Mais la discussion a vite déviée sur une discussion des femmes en politique américaine (avec emphase sur Hillary Clinton), ne passant que trente secondes pour expliquer que si Thatcher et al s’étaient avérées aussi inflexibles, c’était la faute de la patriarchie qui le forçait à agir ainsi. Boum et fin de cette question. Même si le reste de la table ronde était intéressant, disons que je suis resté insatisfait de la facilité avec laquelle la question a été résolue et reléguée aux oubliettes: Un peu de questionnement n’aurait pas fait de tort.
D’autres tics m’ont fait sourciller, parfois injustement. J’ai un peu de difficulté, par exemple, à prendre au sérieux quiconque utilise sérieusement «la patriarchie!» comme ennemi non ironique. Peut-être ais-je été contaminé par les railleries lues dans les rapports de Wiscon 30 («Why are the elevators so slow? It’s the Patriarchy’s fault!»), ou peut-être suis-je trop enfoui au sein de ladite patriarchie pour voir le véritable état des choses, mais disons que j’ai eu tendance à reléguer «la patriarchie» au même rang que l’utilisation non ironique d’expressions telles «political correctness» ou «left-wing media biais».
Événements, invitées et panélistes
Mais trêve de critiques: parlons plutôt des grand moments et des fantastiques panélistes du congrès.
Comme tu peux t’en douter, le clou du programme du congrès a été l’encan Tiptree, mené par l’irrépressible Ellen Klages. Soirée bénéfice, comédie sans filet, expérience communautaire: c’était tout ça et bien plus. Habillée en motif d’abeille (et aidée par de voluptueuses assistantes), Klages a su mener l’encan avec son brio légendaire, utilisant le moindre prétexte pour une performance à en crouler de rire. Hélas, le tout a peut-être duré un peu trop longtemps: une bonne partie de l’audience a quitté quand une bordée de tables rondes a recommencé à neuf heures —manquant de peu le meilleur/pire gag de la soirée: «The ‘Only a Mother’ Doll» (le grognement hilare de la foule a immédiatement identifié ceux qui se souvenaient de l’histoire de Merril.)
Si tous les discours d’honneur et remises de prix se ressemblent un peu, on doit dire que Wiscon fait un excellent travail pour ses événements plus conventionels. Les prix Tiptree ont été remis avec une mixture bien Wisconienne de dignité et d’humour: Fidèles à leur habitudes, les Tips ont sérénadées les trois récipiendaires (y compris Julie Phillips pour sa biographie de Tiptree) sur un air de «The Lion Sleeps Tonight».
Quand à elles, les invitées d’honneur Kelly Link et Laurie J. Marks ont su livrer un seul discours à deux voix, une «partie de tennis» épistolaire à la fois touchante et hilarante.
Ces deux mêmes invitées d’honneur ont su bien se tirer d’affaire durant les tables rondes du congrès: Kelly Link est unique peu importe les circonstances (j’ai réussi à assister à une lecture d’elle à Chicago: le manque d’intonation délibérée de sa voix, combiné à la nature affectionnée de ce qu’elle lit, crée un effet d’étrangeté charmant), et Laurie J. Marks fait immédiatement penser à une enseignante (ce qu’elle est), immédiatement crédible et sympathique. Ailleurs au congrès, j’ai remarqué les interventions nourries et amusantes de Leah Bobet, Elisabeth Bear, Doselle Young, Holly Black, Ellen Kushner, Liz Henry et K. Tempest Bradford. Plusieurs d’entre elles seront à Readercon, ce qui risque d’avoir un effet dramatique sur ma sélection de tables rondes!
Citations, freebies et démographie
Tiens, alors que j’épluche mes notes: Une sélection de seize citations de Wiscon 31:
- Doselle Young: “We are, as far as I know, even if this is Wiscon, human! (…) You can’t be thrown out of this tribe! We’re nerds!”
- Ellen Kushner (?): (re: Podkayne of Mars): ”I haven’t read that particular book, but generally speaking, the idea of a Heinlein character dying strikes me as a good one.”
- Richard Bowes: ”We’ve experienced a president who already knows everything. Now we want one who learns.”
- Anne Harris: ”If it wasn’t for mortality, nothing would ever get done.”
- Mary Kay Kare, citant une connaissance: ”Words are the hands of the mind”.
- Deb Taber: ”business-to-business chocolate” (authentique!)
- L. Timmel Duchamp: ”I haven’t read any of [those romance/horror novels], but I’ve seen many covers.”
- [Censuré pour protéger l’innocente]: ”I didn’t write any goblin porn, I swear…”
- Q, audience: ”Is this protagonist a human among the plants, or are these all plant people?”
A, Sarah James: ”It’s a plant person. That much is clear.” - Animatrice: ”If you don’t get through your list of eight items, will that be a problem?”
Panéliste: ”No, because I’ll blog about it later.” - Laurie J. Marks: ”An attentive panel moderator pays attention to what’s not happening.”
- Holly Black: ”Boy Meets girl, girl wants to kill boy, boy wants to kill girl…”
- Liz Henry (Durant une table ronde sur la moderation de tables rondes): ”Let’s go meta until we launch ourselves into space!”
- Audience: ”It’s a terrible book! There’s no plot and no sex!”
- Laurie J. Marks, interviewant Kelly Link: ”Can we talk about you now? I know that you would rather talk about books, but is it OK if they’re your books?”
Kelly Link: ”We’ll see…” - Kelly Link: ”I don’t want to be the voice of any generation. What a terrible burden. I would have to say something.”
Neuf idées (paraphrasées) entendues durant les discussions de Wiscon 31:
- Audience: Et si la globalisation via Internet, loin d’être une vitrine sur un tas de cultures et d’idées, devenait un goulot d’étranglement culturel?
- Kassandra Grace Sojourner: Une théorie : Les gens à l’idéologie gnostique (qui réfléchissent sur leur parcours, remettent en question ce qu’ils pensent savoir) vs ceux à l’idéologie fondamentaliste (mené par un ensemble de règles claires et précises.)
- Audience: ”Without a physical body, you have no boundaries”
- Mary Kay Kare, citant une connaissance: ”Axiom Lock”
- Nancy Jane Moore: L’immortalité comme pré requis à une connaissance utile de l’histoire, à une véritable intelligence raciale.
- Audience: ”What good is a romance that never ends? What’s the point of serial romance?”
- Laurie J. Marks, discutant d’animation de table ronde: ”The audience is a resource in reserve, ready to be used by the moderator.”
- Laurie J. Marks: ”The fascination of fantasy for the aristocracy is about the networks, the ability to make things happen.”
- Leah Bobet: ”If we’re so good at identifying the dominant paradigm of fantasy, why does it still exist?”
- Hillary Moon Murphy: “Young Adult fiction seems to be the most dynamic and experimental sub-genre of fantasy.”
Leah Bobet: “That’s because adult publishers cater to well-established tastes and readers.”
Hillary Moon Murphy: “Also, most YA sales are to libraries, not individual buyers.”
Souvent aperçu dans la foule: Tricot et courtepointe.
L’horaire généreux de Wiscon (panels de 75 minutes, suivis de 15 minutes de pause) m’a laissé un peu désemparé: contrairement à une Worldcon, il n’y a pas tant de choses à faire entre les panels ni de besoin de se déplacer sur des distances importantes, bien que je réalise que les congressistes avec beaucoup de connaissances sur place peuvent mieux profiter de ces pauses pour discuter. Les 75 minutes semblent superflues dans plusieurs cas, bien qu’on m’ait dit que «dans le temps des 55 minutes», tout le monde trouvait ça trop court. Il y a les problèmes habituels d’allocation des salles, certains événements ayant lieu dans des endroits clairement trop petits ou trop grands. J’ai manqué quelques événements durant le congrès parce qu’un regard à l’intérieur des salles me suggérait qu’il serait impossible d’y trouver une place.
J’ai tenté d’être raisonnable dans mes achats, étant conscient que je devrais payer pour tout expédier à la maison par la poste américaine. (Et je me suis effectivement fait filouté par les douanes…) Néanmoins, j’ai profité de l’occasion pour mettre la main sur des choses telles Storyteller de Kate Wilhelm, The Tough Guide to Fantasyland de Diana Wynne Jones, Zima Blue d’Alastair Reynolds, une copie dédicacée de Stranger Things Happen de Kelly Link et une première édition de la vénérable Encyclopedia of Science Fiction de Nicholls (maintenant menée par Clute) J’ai résisté à un freebie de A Princess of Romania de Paul Park (déjà obtenu à Readercon 2006), mais je n’ai pas pu résister à un exemplaire gratuit de Secret Life de Jeff Vandermeer. Ceci étant dit, le meilleur freebie obtenu était un exemplaire du kit pour les congressistes de Wiscon 30, kit qui comprenait le magnifique livret souvenir anniversaire que j’ai fini par lire d’une seule traite.
Démographiquement parlant, l’audience de Wiscon ressemble beaucoup à celle des événements littéraires d’une Worldcon: Des gens dans leur quarantaine ou cinquantaine, avec l’air confortable et satisfait d’intellectuels de la classe moyenne américaine. Tout le monde a quelques kilos en trop. Les hommes (habituellement du quart au tiers de la foule) ont habituellement des barbes et des sandales, et semblent plus souvent qu’autrement accompagner leurs conjoint(e)s. Il y a une bonne fraction de congressistes plus jeunes, bien que ma cohorte démographique spécifique («hommes dans leur trentaine») se faisait rare. Non pas que je me suis senti inconfortable: «l’espace sécuritaire» de Wiscon fonctionne pour tout le monde!
Mais il y a des «moments Wiscon» que l’on rencontre moins souvent dans d’autres congrès. La panéliste qui salue et remercie sa femme dans l’audience. L’homme en longue robe rouge qui vient se chercher une tasse de café en arrière de la salle. Les espaces libres laissés à l’avant des salles pour les congressistes en chaises roulantes. Tout cela devient parfaitement normal pendant le congrès.
Réflexions et conséquences
Mais quelles conclusions tire-je du congrès?
À plusieurs égards, mon expérience à Wiscon a été similaire à celle que j’ai eu à la World Horror Convention: une vitrine dans un autre fandom, parfois inusité mais toujours intéressant. La différence cruciale, bien sûr, c’est que si les amateurs de la WHC font quelque chose de différent (lire, écrire de l’horreur plutôt que de la SF), les habitués de Wiscon sont différents. Il ne s’agit pas de traits de personnalités négociables ou susceptibles d’être acquis au bout d’une centaine de lectures: il s’agit de différence fondamentales d’identité, souvent physique, entre la mienne et la leur.
Cela complique définitivement les choses. Tu sais comment, dans plusieurs panels, il y a une personne dans l’audience qui va tordre tout ce qui s’est dit plus tôt dans la discussion pour la ramener à ses propres obsessions? «J’ai moi-même écrit un livre sur ce sujet, et vous n’avez pas abordé…» Habituellement, il y a moyen d’ignorer de tels interventions en roulant des yeux et se disant ”ah non, pas encore lui”. Mais à Wiscon, de telles interventions («Vous n’avez pas relié cet enjeu à ceux des transsexuels…») trahissent habituellement une facette importante de l’identité de la personne contribuant à la discussion: ce n’est pas aussi facile d’en ignorer la teneur. Même si cela nous est complètement étranger.
C’est en réfléchissant à de telles différences entre Wiscon et d’autres congrès SF que j’ai probablement eu ma grande révélation de l’événement: La compréhension de l’Autre passe par une désagrégation temporaire de qui on est. La capacité d’imaginer être une autre personne demande d’abandonner sa propre identité pour un moment.
Cela ne devrait pas être un révélation: Pour les écrivains de fiction, après tout, s’imaginer dans une autre identité fait partie des aptitudes nécessaires au travail. Et en y repensant, je me suis souvenu de panels où les participantes se remémoraient leurs lectures de jeunesse, trouvant (en l’absence d’alternatives) des modèles dans les garçons qui peuplaient la SF d’alors.
Mais il y a une différence entre savoir et comprendre, et c’est à Wiscon que j’ai en l’impression de saisir tout ça, avec les grincements de paradigme mentaux que cela implique. C’est une idée commune des relations entre les groupes sociaux que le groupe défavorisé est habituellement plus apte à comprendre le groupe favorisé que le contraire. Petite surprise, alors, si les femmes comprennent les hommes plus facilement que le contraire: les hommes n’ont pas à s’en donner la peine parce qu’ils n’ont pas à le faire dans le cadre des dynamiques de pouvoir existantes.
Mais cela va peut-être plus loin: la désagrégation nécessaire pour comprendre l’Autre demande un certain courage et une force d’esprit peu commune. Pas surprenant, alors, de constater le rejet immédiat des réactionnaires lorsqu’on leur demande de se mettre dans la peau d’autrui: Ont-ils le courage de s’abandonner pour une instant, au risque de devoir se remettre en question?
Ceci dit, ma théorie de la compréhension-par-l’abandon suggère également qu’il existe des limites à ce que l’on peut comprendre de l’Autre: La seule façon de comprendre l’Autre est de devenir l’Autre au prix de sa propre identité. Ce qui n’est pas que de la SF (bien qu’on pourrait en retirer une excellente histoire) mais d’intérêt social général.
Ce train de pensée m’amène aussi à une autre constatation qui n’est pas sans intérêt: Si on va à des conventions pour s’amuser, se distraire ou partager un hobby, si on va à un congrès professionnel pour parler de son métier, on risque d’aller à Wiscon pour se mesurer au paradigme féministe. (Confirmation pour plusieurs, confrontations pour d’autres.) De toutes les événements SF auquel j’ai assisté, Wiscon est, délibérément, le congrès où la discussion relie le plus directement le genre littéraire à la vie personnelle. Derrière les rires et les divertissement de Wiscon se cache l’idée que l’on est ce que l’on est, et qu’il n’est pas possible d’éteindre son identité de femme, de minorité, d’opprimé social comme on éteint son fanisme le lundi matin suivant le congrès. Wiscon s’adresse à l’ensemble de ses congressistes, pas seulement à une facette de leur vie qu’ils peuvent remiser dans le placard jusqu’à la prochaine.
Ce rapport m’a pris du temps à écrire: pas particulièrement au niveau de mettre les mots sur papier (bien que, ahem, 6500 mots c’est long), mais à remettre de l’ordre dans les concepts soulevés par Wiscon. Étant donné l’ampleur des pivotements de paradigmes ou l’énergie que requièrent les remises en question, je ne suis pas surpris de constater que je ne finis par comprendre Wiscon que des semaines après l’événement.
Là aussi, ce n’est pas un effet de congrès habituel: S’il est possible de disposer d’une convention ordinaire peu après sa fin, Wiscon continue de se déballer longtemps. Les idées qu’on y rencontrent dépassent la simple écriture/lecture d’œuvres de genre: c’est aussi la façon d’aborder le monde qui change un peu. Wiscon est moins un congrès qu’un virus mémétique qui réécrit peu à peu les routines internes de ses participant(e)s: on en sort changé, surchargé et évangéliste. Je me suis surpris à vouloir y amener certaines ami(e)s indifférentes ou réfractaires à la SF, simplement pour leur montrer les possibilités du genre et de celles qui le lisent. Je comprend nettement mieux pourquoi tu tiens tellement à ce que d’autres personnes y aillent au moins une fois.
En relisant les notes prises sur le fait, je constate à quel point j’étais fatigué et affligé par le choc des révélations. Étirer son esprit en formes inusités ne se fait pas sans un bon montant d’énergie, et la remise en question constante d’un «membre de la patriarchie» (ha!) à Wiscon peut finir par laisser des chocs.
Ce qui peut faire sourire, c’est que je peux voir à quel moment j’ai fini par me faire à l’idée de Wiscon: lors d’un panel ayant dévié sur les cultures, j’ai réalisé que les panélistes américains discutant de «culture est synonyme de race» n’avaient manifestement aucune idée des débats «culture est synonyme de langue» qui font le charme du Canada. Et puis, presto, je me suis souvenu que dans un certain contexte, j’étais une minorité. Que les francophones ont une longue histoire d’oppression par les anglophones plus puissants! Ha! Momentanément, je me suis senti à l’aise à Wiscon: suffisait de trouver ma minorité.
(Bien que c’est sans compter le moment où un congressiste d’Ottawa m’a reproché ma conflation sélective de Rockland avec Ottawa. Hélas pour lui, les 998 autres personnes à Wiscon n’avaient rien à faire d’une différence de quelques kilomètres dans un autre pays. “Where’s Rockland?” / “Right next to Ottawa.”)
Mais cela n’a pas duré: le reste du temps, j’étais solidement du côté de la majorité mâle et blanche. Et par cela, je ne veux pas dire «oppresseur» autant que «aveugle à l’oppression»: Un des éléments de théorie féministe les plus utiles que j’ai entendu dernièrement, c’est l’idée que les membres des groupes privilégiés sont foncièrement incapable de comprendre les diverses manifestations de leur privilèges sur les autres groupes. Dire «il n’y a pas de sexisme/racisme/discrimination ici» n’est pas une opinion informée pour quelqu’un dans ma catégorie démographique. (Vaut mieux se taire et demander aux autres leur perception des choses.) (Et c’est le même aveuglement inconscient qui me fait soupçonner que «la discrimination que vous décrivez ne vient pas de moi!» n’est pas un argument particulièrement utile pour répondre à certains reproches.)
Ceci, sans doute, explique peut-être pourquoi Wiscon est un environnement qui ne m’atteint pas au même niveau que la «safe place» tant prisée par la plupart des participantes. Vivant dans une position de privilège dans un environnement social généralement progressiste, chaque moment est une «safe place» pour moi. Ce n’est pas le cas des participantes à Wiscon, qui peuvent finalement profiter d’un endroit où elles n’ont pas à expliquer ou justifier le fait qu’elles soient libérales, féministes, progressistes ou démocrate. Pour un canadien français, ces vérités sont évidentes, mais pour nombre de participantes américaines, Wiscon est un endroit où elles peuvent s’affirmer en tant que tel pour quelques jours.
Et c’est pourquoi, malgré mes hésitations, malgré mon manque d’identification avec une bonne partie des enjeux de Wiscon, malgré mon côté contrarien ou bien mes objections silencieuses à quelques discussions, je ne voudrais rien changer à Wiscon. En fait, je suis content de savoir qu’un tel événement existe: je peux comprendre pourquoi c’est ton congrès favori, et pourquoi mille personnes s’y précipitent à chaque année. Je ne détesterais pas voir plusieurs aspects de Wiscon se propager à travers le circuit des conventions SF. En fait, j’aimerais voir plus de congrès être aussi sérieux dans leur activisme et respectueux de leurs participant(e)s: ça ne ferait pas de tort de frotter les oreilles des «fans de SF» les plus déplaisant avec les standards de bienséance propres à Wiscon.
Y retourner?
Mais tu ne seras peut-être pas surprise d’apprendre que je ne retournerai pas régulièrement à Wiscon. Là aussi, j’ai plusieurs raisons: C’est trop loin; j’ai d’autres congrès à découvrir; ça ne s’adresse pas à moi; je préfère laisser ma place à quelqu’un qui en profitera plus; je ne suis pas certain d’avoir l’humilité nécessaire pour me remettre en question à chaque année.
Attention, cependant: ça ne veut pas dire que je met une croix sur l’événement. Idéalement, j’y retournerai dans quelques années, préférablement en groupe, et vraisemblablement en mesure de mieux apprécier ce qui s’y discute. Parce que contrairement à plusieurs autres conventions, je vois Wiscon comme un événement qui demande une plus grande maturité, qui exige de ses participants une connaissance de soi supérieure. On ne va pas à Wiscon pour se laisser aller pendant une fin de semaine: on y va pour devenir une meilleure personne. Il me reste encore quelques croûtes à manger: autant j’y aurait été dépassé il y a quelques années, autant j’espère être en mesure d’y être un meilleur participant dans quelques années.
Comme quoi tu avais raison de me dire que j’étais presque prêt pour Wiscon il y a quelques années. Faut-il aussi dire que certaines personnes ne seront jamais prêtes pour Wiscon?